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Val ...
4 juillet 2007

Bienvenue à l’usine !

Jobs d’été bien rémunérés, jobs quand on a besoin de sous et qu’il n’y a rien ailleurs, jobs tout court… Bienvenue à l’usine. J’y ai goûté ! Quand on est étudiante, ou quand on débute dans la vie professionnelle, on sais pas toujours ce qu’on a réellement envie de faire. Quand on passe par la case « usine », on sais par contre ce qu’on ne veux pas faire. Je conseille d’ailleurs aux étudiants qui ont envie de mettre fin à leur études prématurément de passer tout un été à bosser dans une usine. Beaucoup seront heureux en septembre de reprendre les cours, croyez moi !

Que du négatif mes petites expériences en usine ? Non, ça apprend la vie….

J’ai fait ma premières mission en Usine l’été de mes dix sept ans.

Je suis au lycée et j’ai besoin de sous. Je m’inscris dans une boite d’intérim sans conviction… et quelques jours plus tard je me retrouve dans une grande boite, très connue à Nogent Le Rotrou pour une semaine. Bon, ça s’est plutôt bien passé. J’ai fait du contrôle qualité toute la semaine. Imaginez moi enfermée dans une petite pièce isolée phonétiquement à passer huit heures par jour à écouter des petits moteurs de climatisation de voiture tourner. Vous mettrez de coté ceux qui ont un bruit « louche » et gardez la majorité : ceux dont le ronronnement est normal et monotone. C’est pas très enrichissant, et puis après cinq ou six heures d’écoute on ne sait plus très bien distinguer un bruit monotone d’un bruit…bizarre. C’est un avantage certain, car à ce poste vous aurez droit à de nombreuse poses (d’oreilles surtout), mais poses quand même.

Eté de mes dix huit ans. Cette fois je veux bosser les deux mois (ou presque). Ma petite mission d’écoute de moteurs s’est bien déroulée l’an passé, et puis c’est différent, je suis majeure. On me trouve donc une première mission de quinze jours en juillet, dans un usine de ressorts (oui Madame !) dans une petite bourgade prés de Bellême. Pour entrer dans ce genre de lieu sombre et bruyant (et dangereux) il faudra vous munir de boules quiès, de chaussures de sécurité, et d’une blouse (tout confort) car c’est vraiment très très sale. Le travail est monotone bien entendu. Vous êtes tout seul, assis devant votre machine (très bruyante), avec pour seule compagnie un tas infini de cartons de ressorts de toutes tailles. La machine cruelle est une meuleuse. Vous meulerez en rythme des ressorts puant le métal huit à dix heures par jour. Au début, c’est plutôt laborieux. Vous n’arrivez pas à tenir les cadences. Tout est nouveau pour vous. Puis, vous vous prenez au jeu (car il n’y a pas d’autres distractions) et vous essayer d’aller vite, très vite, de plus en plus vite…tellement qu’après la mission le gentil chef vous présente un contrat pour le mois d’août entier. Vous avez besoin de sous, alors vous acceptez. Mais attention, en intérim, Valérie bossait à des horaires réguliers et normaux. En tant que salariée (même pour un mois) elle est tenue de faire « équipe ». Bon sang, que c’est cruel, les premiers jours ! La première semaine, vous pointez (et oui, on pointe vraiment, avec une carte..) à 5h pétantes et on vous libère en tout début d’après midi. La semaine suivant vous vous levez très tard et vous retrouvez votre machine après le déjeuner jusqu’au soir assez tard. L’usine, si vous êtes docile, vous aime tellement qu’elle vous convie le samedi matin. Chaque soir, vous avez les mains qui sentent le métal, les ongles un peu noirs, la blouse hyper crade, la tête en vrac, le cerveau inexistant, les oreilles en feu, les cheveux gras, et j’en passe…Pourtant, mon travail est fait tant bien que mal (ben oui je suis appliquée pour tout ce que j’entreprend en général) , et le 31 août le chef me demande si par hasard je ne veux pas rester. Mon Dieu… non ! Je me sauve ! J’adore l’école moi, depuis deux mois… pourvu que j’y reste le plus longtemps possible !

Quelques temps après je suis retournée trois semaines dans une autre usine de ressort (ben oui, dans les agences d’intérim, quand vous avez fait l’affaire pour un poste, on vous classe dans une certaine catégorie, et vous retrouvez votre étiquette de « meuleuse de ressorts » chaque fois que vous vous réinscrivez ! La seconde expérience dans ce merveilleux domaine qu’est le ressort durera trois semaines. Les machines étaient moins sales et mois bruyantes, les postes de travail assez rapprochés, et on pouvait discuter, ça fait passer le temps… m’enfin, rien de folichon quand même !

Eté de mes dix neuf ans. Val change de boite d’intérim car elle ne veux plus bosser dans le ressort, et pose quelques conditions : please, pas d’agroalimentaire non plus, par pitié !

Je me retrouve le lendemain (oui, si tôt que ça, l’été faut remplacer les ouvriers qui prennent un repos plus que mérité) dans l’unique usine de mon petit village. Elle emploie une centaine de personnes. Le secteur d’activité : produits managers, produits d’entretiens et autres…Attention, l’usine est classée SEVESO ! Il y a une atelier « hautement sécurisé » qui rempli des bombes aérosols. Le décor de la cours : grosse bombonnes de gaz prêtes à rayer le village de la carte. Vous comprendrez donc que les dirigeants et autres chefs ne mettent pas n’importe qui à n’importe quel poste.  La première semaine, je l’ai donc passée à l’emballage. J’ai des horaires de travail convenables. Mon rôle (hautement important) : emballer les petits sachets de poudre pour entretenir les fosses sceptiques par 16, et emballer à leur tour les boites de 16 dans de plus grand cartons. Matériel : une blouse, des lunette de protection (des fois qu’un carton vous explose à la tronche), les éternelles chaussures de sécurité, un stylo à bille (pour remplir les fiches de cadences) , un marqueur, et une schotcheuse. Mince alors, je préférais presque les ressorts. Je m’ennuie ferme. On me change de place enfin. Maintenant, je bosse à une machine qui remplit des tubes d’efface rayures pour les voitures. C’est un peu mieux. La machine n’est pas rapide. J’ai le temps de regarder autour de moi. J’envie presque les filles qui bossent sur les lignes de conditionnement. Une ligne, c’est un groupe d’ouvriers (là d’ouvrières en l’occurrence) qui répètent la même petite tache à la même place, chacune à son poste. C’est pas clair ? Mettons… un bidon de javel. La première sort les bidons vides des cartons et vérifie que le produit (l’eau de javel) est présent et s’écoule bien dans chaque bidon. La ligne motorisée fait avancer les bidons vides. La deuxième fille vérifie que la machine verse assez de produit dans chaque bidon, et que la machine à étiquettes colle bien une étiquette devant et une derrière sur le bidon. Elle vérifiera aussi le stock d’étiquette régulièrement. Une troisième fille mettra les bouchons sur chaque bidon qui se présente à elle (c’est très rapide) et la dernière , en bout de ligne, mettra les bidons remplis et étiquetés en carton.

C’est très pénible comme travail, sûrement, mais n’empêche que ça me tente bien. Au moins elles s’ennuient pas.. et puis elles tournent toutes les heures.. et elles discutent et rigolent un peu. Après quelques demandes de ma part et quelques compliments sur le façon dont sont scotchés mes cartons, j’obtient ce privilège et me retrouve sur une ligne. Les filles se connaissent entre elle, mais parlent facilement. Elles m’apprennent à aller plus vite (car je les retarde certainement un peu..).

J’apprend vite. Ça fait un mois que je suis là. On me demande alors de faire le mois d’août aussi. Pas de problème. Les lignes, c’est mieux que les ressorts, ça fait perdre du poids, et j’apprend des choses. Comment ça non ? Bien sur que si ! J’ai appris entre autre que le produit javellisé X avait exactement la même composition (et pour cause on changeait les emballages et pas le produit) que le produit Y qui est 30% plus cher ! Quelle arnaque !

Finalement non, le chef ne me laisse pas à ces lignes ci : la semaine prochaine, je découvrirai l’atelier surprotégé des aérosols. Mon impatience est vite remise en cause par mes collègues. Cet atelier c’est leur bête noire : le travail est difficile et dangereux, il y fait chaud, le chef est un tyran, les filles sont des garces, les produits sont toxiques…

Mince alors, j’suis pas rassurée, avec tout ça…

J’arrive aux aérosols. C’est clair qu’il y fait chaud, même très chauds. Les ouvrières me regardent de la tête aux pieds (arrêtez les flashs..) , on doit imperativement garder ses lunettes, et ne pas laisser apparaître une partie de son corps (pas de manches courtes, pas de shorts..). C’est sordide. Il y a un boucan d’enfer là dedans… comment on peut venir là bosser tous les jours depuis 10, 20, 30 ans ?

On m’intègre sur une ligne. C’e0st bien plus rapide et difficile qu’aux produits ménagers. Les filles t’aident pas (j’ai vu des nouvelles pleurer..). Il faut être vigilante (surveiller la pression des aérosols remplis, la dose de produits (sous peine d’explosion). Faut pas que son plateau d’emballage déborde, pour pas que les bombes se coincent et explosent. Faut surveiller le bain (a 50°, d’ou la chaleur qui règne dans l’atelier). Si la température monte, les bombes exploseront, si elle descend, on aura pas vérifié qu’elle tiennent le coup à 50°C . Quel malade peut acheter une bombe et la laisser dans un endroit improbable ou il fait 50° C? On m’explique que c’est une sécurité (par exemple, une bombe dans une voiture en plein soleil). J’apprend vite. Finalement, ça me plait. Je comprend alors que les filles ne sont pas de garces, c’est juste que les nouvelles doivent les craindre pour faire leur travail correctement…il y a trop d’enjeux. Je me fait quelques amies (et des ennemies aussi…) . Dans un usine, il y a de tout : des gentilles, des serviables, des gaies, des dépressives, des malades de travail (et oui, même sur une chaîne à l’usine..) . C’est une vraie comédie humaine, l’usine. Je m’aperçois de beaucoup de choses : certaines sont diplômées, auraient la capacité de faire autre choses, certaines sont restées là faute de mieux, par habitude, par dépit…D’autres ont choisi ce travail, sont acharnées, aiment leur ligne comme leur enfant. C’est effrayant !

J’y ai bossé longtemps, dans cette boite. J’y suis souvent retournée pour un, deux, trois semaines, un mois, deux mois…J’ai fait équipe la nuit aussi… J’ai fait toutes les équipes. Et je suis pas morte, mais de là à aimer….

Enfin, vient la dernière expérience. Celle ci est un peu particulière. Je suis entrée dans cette usine alors que je n’étais plus étudiante depuis un moment. J’y suis allée quatre mois faute de mieux. Parfois, dans la vie, on a besoin de gagner de l’argent, et les missions dans mon domaine d’activité ne sont pas très abondantes, surtout l’hiver… J’ai accepté ce travail pour attendre et chercher mieux, dans de meilleures conditions (c’est à dire avec un salaire). C’est pas grave, ça apprend la vie, et puis l’usine, j’connais, alors une mission de plus ou de moins…

Cap sur une fabrique de séchoir à linge à La Loupe. Premier jour. Ça va, je connais certaines des ouvrières, et aussi quelques hommes. Ça va m’aider…

Premier poste : une ligne de peinture et de finissions des dits séchoirs. Nous sommes quatre jeunes (cette ligne est spécialement, ou presque, squattée par des gens de passage, étudiants et compagnie). C’est pas difficile. Il faut accrocher les séchoirs sur des tringles qui tournent, comme un manège. On les accroche gris métal et ils ressortent blancs comme neige, comme par magie ! L’ambiance est bonne, on discute.

La semaine d’après, c’est moins réjouissant. Assemblage des fils de fer pour en faire une séchoir …on est seule face a cette petite presse et on assemble des tiges de métal toute la journée… le temps est long…

Moi, j’ai envie de goûter aux ligne du fond, celles ou les filles (embauchées) emballent les séchoir .. Ben oui, à chaque fois, j’me prend au jeu. Puisque j’suis là, autant tout tester et essayer, j’aime bien, je suis comme ça… non, je ne suis pas une acharnée (surtout de ce genre de choses) mais quitte à passer huit heure par jours dans un lieu, même hostile, autant essayer, découvrir, tester, apprendre, faire passer le temps que de se cantonner discrètement à une machine pourrie.

On me fait confiance. J’irai, mais on me préviens que les dames (une grande majorité d’ouvrières à passé les cinquante ans) sont pas faciles et qu’il faut suivre, et écouter, et être gentille, et bien travailler, et aller vite, et apprendre vite… ok !

Tant bien que mal j’y arrive. Je suis attentive, j’essaye de corriger mes erreurs, mes fausses notes, je suis souriante et agréable. Du coup, les dames sont compréhensives, et m’apprennent, et me corrigent. Elles parlent entre elles. Elles mettrons du temps à me dire autres chose que « plus vite, plus à droite, pas comme ça, oui c’est mieux.. » mais elle finiront par me parler.

Beaucoup n’ont pas la vie facile. Elles souffrent du dos, des articulations. Ici, malgré leurs rires et la convivialité, le travail est très physique, les séchoirs sont lourds, les mouvements précis et éreintants. Elles attendent toute la retraite (déjà ?) . Beaucoup font malheureusement plus que leur age. Certaines sont aigries, grisées et minées par l’usine… les jeunes les craignent, les détestent.. mais je comprend vite que c’est l’usine qui les a « connassées ».

Je resterai quatre mois avant de trouver un poste en tant qu’assistante et je suis partie finalement le cœur un peu lourd… de savoir que les autres resteraient.. encore longtemps… jusqu’à la fin pour beaucoup d’entre elles ! Elles ne s’en plaignent pas. Elles sont habituées. Elles s’entendent bien.. alors ? Pourquoi partir ? Et pour aller ou ?

« On sait ce qu’on perd, mais on ne sait pas ce qu’on retrouve… » … combien de fois ai-je entendu ce petit proverbe dans les usines ou je suis allée ?

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Commentaires
T
Moi aussi sur mes premiers CV c'était les postes que je vantais ... Il faux bien commencer un jour ...<br /> A la différence de toi, j'ai "goûté" à l'agroallimentaire ... breve expérience mais très motivante pour reprendre mes études!<br /> Biz
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