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Val ...
6 juillet 2007

Fugue

Consigne de vacances de Parolles plurielles

Elle est debout, immobile, les mains dans les poches, tâtonnant les quelques pièces qui lui serviront à payer son ticket. Elle est seule sous ce vieil abris bus qui la protège à peine du froid, du vent, de la neige, de la nuit. Elle a froid, mais le froid, il faudra qu’elle s’en accommode, à présent. Elle a le cœur lourd, elle se sent seule et vulnérable, mais la solitude et la peur,  il faudra qu’elle s’y fasse, à présent. Le soleil n’est pas encore levé. Elle n’a pas de montre. Combien de temps reste il encore avant l’arrivée du premier bus, celui de six heures ?

Elle songe un instant à faire demi tour, et repartir comme si de rien n’était, comme si elle avait fait un mauvais rêve…Non, elle ne reviendra pas en arrière. Sa décision est prise. Elle ne rentrera pas. Ils seraient trop contents !

Elle a du partir. C’est pas sa faute. Tout allait bien, avant qu’il n’arrive. Elle était heureuse quand elle vivait seule avec sa mère et son frère. Ça ne les gênait pas, eux, de ne pas avoir de père. Pourquoi ce con était il venu s’installer chez eux avec ses manies, ses valises, ses idées sur tout, sa connerie surtout, et sa brosse à dent qui en dit long sur ses intentions? Et puis, si il aime tant sa mère, pourquoi il ne l’aimait pas, elle ?

« C’est un parti pris », que lui disait la psychologue qu’elle avait rencontré après sa TS. Qu’est ce qu’elle en savait cette connasse ? Elle ne le connaissait même pas, l’autre porc !

Elle pense et repense. Elle rumine. Elle cogite. Non, elle en est sure, elle a pris la bonne décision. Les débuts seront difficiles, mais il est trop tard, elle ne peut pas faire marche arrière. Elle n’en veut plus, de cette vie là. Elle est plus forte qu’eux. Elle a choisi de partir, de se prendre en main, de commencer une nouvelle vie ailleurs. Une vie sans l’autre con, sans sa traîtresse de mère, qui lui a imposé ce salaud à la maison, sans son andouille de frère qui lui lèche les bottes, à ce connard…sans… sans… et puis merde, elle espère juste qu’ils la chercheront et qu’ils chialeront ! Z’onront que leur yeux pour pleurer ! Elle leur avait pourtant dit, qu’elle le ferait. Ils l’ont pas crue. Ils verront bien…demain ! Dommage, elle ne sera pas là pour assister au spectacle !

Des phares l’éblouissent soudain et la font sortir brusquement  de ses pensées moroses. Le bus s’arrête. La porte s’ouvre. Elle monte.

Elle descendra à la gare, ou elle prendra le premier train… vers une destination encore inconnue.

La veille au soir, après une violente dispute entre elle et le compagnon de sa mère, elle avait attendu patiemment que toute les lumières de la maison s’éteignent. Une fois la maison endormie, elle avait glissé à la hâte quelques affaire dans son vieux sac de sport : des sous vêtements, son Ipod, quelques Cd, un vieux jean déchiré, un pull-over usé, des affreuses chaussettes de couleurs vertes parce qu’elle tiennent chaud, d’improbables photos, sa trousse de toilette …Elle avait ensuite cassé sa tirelire d’enfant et avait glissé les quelques pièces dans la poche de son plus chaud blouson.

Elle était sortie en douce, après avoir chipé quelque provisions dans la cuisine, pour la route.

Elle avait marché longtemps dans le froids, sous la neige, sous la nuit, sous les larmes…Son errance l’avait conduite jusqu’à cet abris ou elle avait choisi d’y attendre le bus pour s’enfuir loin, très loin… le plus loin possible. Loin de tout ça, loin du bahut, loin de l’autre merde de beau père et loin de tous ces cons qui ne comprennent rien à rien.

Cette nuit là, une adolescente étouffée par sa propre vie est devenue SDF. Et ce jour là, pourtant, le soleil s’est levé comme d’habitude…

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Commentaires
V
Merci Tilu, je vais m'empresser d'aller à la rencontre de ton texte :D !!!
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T
c'est drole, j'ai ecris mon texte d'un seul jet aprés avoir lu la consigne...et maintenant je lis les autres ....tous (ou presque tous ) parlent d'un départ serait ce l'effet "chaussettes vertes"?<br /> Ton texte est sombre en effet mais encore une fois emouvant... chapeau!
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F
La colère de l'ado est bien rendue.<br /> <br /> J'aime beaucoup les deux dernières phrases.
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B
oui tout y est pour une histoire classique. Ouverte, on peut supposer un retour, ou une descente
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A
Il est beau ton texte. Il a la brutalité de la vir, parfois. Merci.<br /> J'adore la brosse à dent révélatrice, mais d'on ne sait quoi
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