Il neigea
Il est artificiel, et pourtant les enfants le chérissent. Faux arbre d’aiguilles feintes qui piquent même pas (et qui, surtout, ne tombent pas !). Depuis quelques jours on l’a ressorti. Vêtu, cette année, de bleu et de gris argenté, de fioritures électriques multicolores et de petits paquets violets.
Il est banal, il est petit, pas original, au décor réduit, et pourtant il leur plait. Il est malgré tout imposant pour des yeux d’enfants, surtout qu’il est en hauteur pour échapper aux petites mains curieuses et empruntées de notre petite fée à peine bipède.
A son pied, pour cacher sa racine de plastique, j’ai appliqué de la neige pas plus réelle que lui. Gaby, revenu du couloir, des boules grises plein les mains, a regardé et s’est exclamé : « Oh, il neigea ! ».
- Tu veux dire : il a neigé ?
- Non ! Il neigea !
- …
Il neigea, donc !
Son premier passé simple ! Même si il est employé de manière inopportune, ça m’a fait plaisir. Il aura probablement entendu ça dans un conte raconté par la maîtresse, ou alors dans un dessin animé de Papa Noël. Peu importe, n’empêche que son cerveau bat à cent à l’heure et qu’il retient tout un tas de mots.
Là, bien sûr, c’est pas le bon exemple, mais en ce moment, il fait des progrès considérables niveau langage.
Ça fait plaisir ! Ben oui, quand on est maman, on s’émerveille niaisement de chaque bribe de progression de sa progéniture !
Et puis … j’sais pas si je dois oser le dire… Bon, on est entre nous ! Je le dis ! Ma poupée jolie, qui aura quinze mois la semaine prochaine ne marche pas. Elle mange seule. Elle commence à parler. Elle a plein de dents. Mais, malheur, elle ne marche pas sans aide !
Ça m’est égal, bien évidemment. Elle a le temps… Et puis, Elisa n’a jamais vraiment eu de curiosité excessive pour les choses qui l’entourent. Elle aime être tranquille, et ne pas être brusquée. C’est comme ça. C’est pas un problème.
Le problème, c’est les gens. « Elle MARCHE PAS ? Ah BON ? Ben va falloir, marcher, hein ? Tu vas pas rester un bébé quand même ? Petite paresseuse… »
Bon, c’est pas méchant… quand on l’entend une fois, deux fois, trois, quatre… après, ça devient un peu ritournelle…
Et puis, les merveilleux conseils du genre « Il faut l’empêcher de se déplacer à quatre pattes, etc. » je m’en passerai bien également !
Alors, s’il vous plait, Messieurs, Mesdames (surtout mesdames) que je croise dans la rue, à l’école, au supermarché, ou autre :
LAISSEZ MA FILLE TRANQUILLE !
Ouf, c’est dit ! ça fait du bien !
Ou en étais-je ?
Ah, oui !
Gabriel, maître d’œuvre de la décoration de Noël m’a fortement conseillé de mettre une guirlande sur le plante verte ! Il était tellement investi dans sa tâche que j’ai pas su refuser. La plante verte à sa guirlande, et la terre tourne rond quand même !
Et la fenêtre ?
Entourée d’une guirlande électrique qui clignote blanc, elle est parée de grosses tête bien dodues de Papa Noël, de bonshommes de neige pas plus maigres, et de flocons de neige . « Regarde, maman, ici aussi il neigea ».
Bon, et puis sinon, j’ai encore mal dormi. J’ai entendu Manu geindre toute la nuit ! Il a un lumbago depuis trois jours, il n’arrive même pas à se relever d’une chaise sans appui, ni a marcher sans boiter, ni à dormir sans geindre… et pourtant, il va travailler ! Deux anti-inflammatoires (et la boite dans sa poche, au cas ou…), un bain brûlant (dont il n’arrive pas à sortir sans secours) et c’est parti ! Ah, si j’étais sa mère…
Gabriel tousse encore, et ça le réveille. Toutes les deux ou trois heures, du sirop, un câlin, et dodo…
Elisa s’est réveillée aussi trois fois, parce que… ben on sait pas pourquoi, d’ailleurs, comme souvent !
Si vous saviez, Madame ! Non seulement elle ne marche pas, mais en plus elle ne fait toujours pas ses nuits !