Passer de l'autre coté...
Je l’ai ! Je l’ai ! Mais quoi donc ? Ben le trac !
Je le sens à l’intérieur de moi. Par passage. Il faut d’abord que je pense à l’échéance., pour une raison ou pour une autre (et nombreux sont les prétextes pour y penser). Il monte lentement. Il vient du ventre. Sûr, qu’il vient de mon ventre ! La moitié de ma frousse descend dans les jambes. Elles tremblent un peu. L’autre moitié escalade mes côtes, et va se nicher sous mon sein gauche.
Pam. Pam. Pam.
Puis, Pam pam, pam pam, pam pam.
Puis, badaboum, badaboum, boum boum boum !
Je ressens cette petite crainte agréable depuis une dizaine de jour, et elle n’a fait que s’amplifier, jusqu’à présent. On n’a jamais été aussi prés, comme on dit. La douce peur sera à son zénith demain dans la matinée.
C’est la même petite frayeur que lors d’une veille d’examen. Oui, c’est ça. L’appréhension de ne plus rien savoir. L’angoisse de la feuille blanche. La peur du vide.
C’est l’inquiétude mêlée de cette ardeur qu’ont les acteurs avant la première représentation. Du théâtre, j’en ai fait. Les jours d’avant la première, c’est l’angoisse et le bouillonnement. A la fois on stresse, mais en même temps, on attends plus que ça, et on aimerait que ça soit pour tout de suite.
On révise. On revoit les détails, on se projette. On a peur de ne pas être au point, de ne pas avoir assez répété, de décevoir, mais, paradoxalement, on est excité à l’idée de jouer enfin devant le publique. En costumes ! Inquiets, mais impatients !
Et puis arrive enfin le moment tant attendu, et tant redouté. Le lever de rideau. Quelques minutes avant, la trouille est à son apogée. L’enthousiasme aussi.
Enfin, le rideau se lève, et on entre sur scène. Logiquement, quand on est au point, en accord avec soi-même et ses envies, on est alors pris d’une fièvre folle et passionnée . Elle prend le dessus sur tout le reste, et nous permet d’assurer. Adrénaline.
Euphorie de l’instant, ou l’on ne voudrait être nul part ailleurs que sur cette estrade, à jouer son rôle avec fougue. On est bien…le projet a abouti. On en est heureux. La flamme est là. On jouit de l’instant, et le temps passe vite. Si vite…
Demain c’est comme une première. C’est une première. Et comme au théâtre, le rideau se lèvera pour la première fois. C’est à la fois enivrant et terriblement angoissant.
J’ai une première expérience, pourtant. Le rideau s’est déjà ouvert une fois avant. Pourtant, le trac est le même. Une autre première fois…
Même petite douleur délicate et suave. Même incertitude .
La première fois, je n’avais pas vu le décor avant. Je ne disposais que de ma capacité à l’imaginer. Mais je partais avec quelques rudiments acquis il y a très longtemps . Ça rend une service énorme, mine de rien !
Cette fois , le décor sera le mien, mais le public est complètement nouveau.
Même frousse. Mais même désir.
Celui d’aller simplement un tout petit peu plus loin…
Celui de passer de l'autre coté, tout simplement...
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