On ne va pas refaire le monde (Caro)
La
patronne vient de me servir un café, bien serré. Son sourire déborde et je ne
peux m’'empêcher de trouver le ciel un peu moins gris. Les habitués passent,
bavardent. Ils rient ou se taisent suivant le sujet du jour. Les anecdotes
fusent.
C’est un bistrot sympa sans dispute ni prétention. On y apprivoise le temps et les relations. Certains sont amateurs de thé, d’'autres ne jurent que par un express noir ébène. On entend parfois les échos des enfants, les murmures d’'une vie qui en croise d’'autres.
On vient en coup de vent ou on s'’installe. On vient, après une absence pour vacances ou travail, dès que l’ 'on a retrouvé ses pénates ; dès qu'’on a passé la porte, c’est un peu chez soi.
Vous
trouverez les habitués de la première heure et les nouveaux arrivants mais ça
n’a pas grande importance.
Plusieurs hivers et des soleils d'été se sont invités au pas de la porte.
Chez Val va fermer. Ça arrive. Tout un chacun se sent déjà déboussolé, un peu orphelin. On la croisera bien la patronne mais ça ne sera pas comme avant. Gaby aura grandi et la maison sera finie. Quand à la toute petite demoiselle, elle sera toujours aussi jolie que dans les photos souvenirs. Manu ne dira rien.
Ce n’'est pas grave, il faut que la vie tourne.
Je lève ma tasse avec les autres. On ne va pas y aller d’'une petite larme non ? Nous nous retrouverons bien en d’'autres lieux que nous réinventerons.
Caro