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Val ...
26 mars 2018

On va vivre comme si l’on était seuls au monde (4)

Je me suis réveillé aux urgences d’un hôpital. L’interne m’a dit que j’étais dénutri, qu’il fallait que je me nourrisse un peu mieux, et que je prenne soin de mon hygiène. J’ai regardé ma montre. Il était dix-neuf heures passées. J’avais raté le rendez-vous. Ma fleur allait m’en vouloir. D’ailleurs je ne l’avais même pas reconnue. Le monde s’écroulait. J’ai tenté d’expliquer tout cela au médecin. Il n’a rien voulu comprendre. Il m’a prescrit des calmants. C’est bête, un médecin. 

J’ai pleuré toute une semaine. Sans manger ni boire. 

 

Le samedi suivant, j’étais devant la porte du jardin dès six heures. J’étais inquiet. Je faisais les cents pas désir le trottoir. Il faisait bon. C’était l’été à présent. Le jardinier est sorti à un moment. Il m’a regardé d’un sale œil. Cela m’importait peu. Rien ni personne n’aurait pu me séparer de ma fleur. 

 

A dix heures il a ouvert. J’étais le seul à cette heure. Les gens venaient plutôt l’après-midi en général. 

Je me suis dirigé tout droit vers le parterre de ma bien aimée. Je tremblais. J’étais mort d’inquiétude. Et si je ne parvenais pas à la reconnaître ? Et si elle n’était plus qu’une fleur parmi tant d’autres à présent? 

 

C’est elle qui m’a aidé. Je ne l’en remercierai jamais assez. Je me suis planté devant toutes ces fleurs, je les scrutais toutes avec angoisse, lorsqu’elle m’a parlé. Pour la première fois. Bien sûr, ce sont des mots durs qu’elle m’a adressés. Mais peu m’importait. Je ne l’avais pas perdue. Elle était l’unique. On s’était apprivoisés. Elle ne m’a fait que des reproches. J’avais manqué le rendez-vous de la semaine dernière. On ne doit jamais changer les rituels. Je lui avais manqué. Elle s’était ennuyée, et même inquiétée pour moi. J’étais un mauvais ami.

J’ai essayé de me justifier mollement, sans insister. Elle avait raison. Je l’avais abandonnée. Bien malgré moi, mais comment aurait-elle pu le deviner? 

J’étais le plus heureux des hommes, ce jour-là. Elle m’en voulait, mais elle était à moi, et j’étais à elle. Et c’était beau.

A dix-huit précises, ce n’est pas le jardinier seul qui est venu me déloger mais un groupe de quatre hommes. 

Je me souviens que l’un d’eux, en me raccompagnant vers la sortie, m’a demandé si je n’avais pas mieux à faire le samedi que de parler tout seul devant un parterre de fleurs. Je n’ai pas répondu. Qui aurait pu comprendre ?

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Commentaires
B
Et pourtant ne dit-on pas qu’il faut parler aux plantes ?!
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V
En fait Adrienne, c’est toi qui nourris mon texte.
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A
ouf! quand tu parlais de quatre hommes, je les voyais déjà vêtus de blanc et lui passant la camisole ;-)
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