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Val ...
3 mars 2019

A la manière de G. Pérec (1)

(idée piquée chez Coumarine

 

Je me souviens de l’odeur particulière de la cave de mon grand-père. Un mélange d’odeurs d’humidité et d’essence, de pelouse fraîchement tondue et de terre sèche. 

Je me souviens de l’odeur du baume à lèvres, de celle de la pommade à l’eucalyptus sur la poitrine, et aussi de l’amande du pot de colle. 

Je me souviens du monstre sous le lit, qui empêchait de sortir un pieds de sous la couette, et du fantôme qui suit les enfants jusqu’au toilettes la nuit.

Je me souviens des champs de colza et des ballots de foin, des veaux à biberonner et de la tonte des moutons. 

Je me souviens de l’odeur de chlore, mélangée à celle du soleil, mêlées aux relents de gels douches et de crèmes solaires de la piscine municipale. 

Je me souviens de ses yeux clairs aussi inquiétants qu’envoûtants, que faisaient ressortir ses cheveux très noirs. 

Je me souviens des odeurs particulières des samedis soirs, enchevêtrements de fumée de cigarettes, d’alcool et de sueurs, et de cette musique si forte que l’on ne pouvait parler. 

Je me souviens de son regard amoureux sur moi, de sa voix douce et un peu trop aiguë pour être masculine, et de son corps qui se mêlait au mien pour la première fois. 

Je me souviens de mes crampes aux mains après les dissertations ou commentaires composés que je rendais toujours très longs. 

Je me souviens du long voyage en bus qui me conduisit seule au nord de l’Angleterre, de cette fatigue après des heures de trajet, de ce pincement au cœur à l’idée d’avoir tout quitté pour des mois, et surtout de cette ivresse procurée par l’inconnu vers lequel je me dirigeais. 

Je me souviens des sorties en moto, de la manière dont je m’agrippais à Manu, du vent qui passait sous mon jean, des frayeurs délicieuses des virages pris un peu trop vite. 

Je me souviens de la première fois où je lui ai annoncé :  «  Je suis enceinte » et de son incrédulité émouvante. 

Je me souviens de ce jour de septembre où j’ai choisi ma robe de mariée. De toutes les fois où je l’ai essayée à nouveau en cachette, lorsque j’étais seule à la maison. 

Je me souviens de ces déceptions régulières lorsque nous arrivions à la plage à marée basse, parce que j’avais eu la flemme de consulter les horaires des marées, mais de cette consolation du contact de mes pieds nus dans l’eau tiède, stagnant sur le sable brûlant. 

Je me souviens du ruisseau qui passait au fond du jardin de la maison des grands-parents de Manu, et de mon engouement pour l’installation et la vie dans cette bâtisse hors d’âge et peu pratique pourtant. 

Je me souviens de l’enveloppement doux des bras de celui que je considérais comme mon père. 

Je me souviens de mon sein dur et strié de veines, au mamelon caché par une bouche minuscule qui aspirait. 

Je me souviens de ce vertige énorme lorsque, ce jour d’été, on m’a confié un bébé, de ces émotions contradictoires ressenties, allant de la crainte de ne pas m’en sortir à la joie immense de l’accueillir enfin. 

Je me souviens... 

 

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Commentaires
C
coucou Val... ils sont beaux tes souvenirs... certains m'ont touchée particulièrement!
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C
J'aime ton "je me souviens", Val... <br /> <br /> Et ça me donne envie d'en écrire un moi aussi ;-)
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P
Bonjour Valérie, tes sens sont au cœur de tes souvenirs.
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B
T'en as des souvenirs Val, et ils sont exquis !<br /> <br /> Ce sont ces petits moments de vie qui font la joie de vivre.<br /> <br /> Belle nuit
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W
... Et je signale que j'avais fait le mien il y a longtemps déjà :<br /> <br /> http://samedidefi.canalblog.com/archives/2015/01/03/31221423.html
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