Le rêve d’Icare
Il lui aura fallu des jours et des nuits, des mois et des années, des sacrifices et des égoïsmes.
Il lui aura fallu courage et dévotion. Et surtout une abnégation suprême. Au service de sa pensée, au service d’une application méthodique de l’esprit cherchant à comprendre.
Il lui aura fallu des nuits entières de lectures et d’études acharnées, d’observations fastidieuses. Comprendre comment. Comme seul leitmotiv.
Observer l’Aigle, ne pas se contenter de l’envier ou de le jalouser, mais le rejoindre. A sa hauteur. Dominer le monde de manière gracieuse et naturelle, simplement en déploiements d’ailes agiles.
A force d’obstinations que ses frères moquaient de sottise et de vanité, il y était arrivé. La machine était fin prête. Mécanique rodée. Engin surentrainé, dont les rouages fonctionnaient à présent avec minutie et perfection: imprenable et sûr.
Il prit de la hauteur, gravissant d’abord une montagne. Il prit ensuite de l’élan. Et enfin il s’élança, confiant, sur de lui.
Et il plana, croisant l’Aigle, le saluant. Et l’Aigle le reconnut comme un pair.
Il évoluait aisément entre les nuages. Se lassait caresser par le vent frais et l’air pur des grandes hauteurs.
Il sourit à la vue des gens en bas, qui étaient si petits et insignifiants à présent qu’il les surplombait. Pauvres fourmis grouillant à dessein unique de se nourrir seulement et de veiller à leurs occupations viles.
En bas, ce n’étaient que cris d’effroi et de fausses craintes: « il va se tuer! », « il tombera !».
Et il riait de cela. D’un rire méprisant. Ils n’avaient rien compris, tous!
Peu lui importait qu’il s’écrase, qu’il se brise les os, qu’il se fracasse le crâne dans une chute vertigineuse.
Il aurait, l’espace d’un instant, cessé de fouler cette terre colonisée par la multitude vulgaire. Et c’était beau!