De circonstance

Ce soir je conduisais le plus âgé de mes protégés chez son père. C’est l’occasion, toujours, d’un moment à deux, la voiture. Il aura quinze ans cet été et commence à se préoccuper de sexualité. Plus précisément de la sienne, de sexualité. 

Si, dans les premières années d’exercice de ma profession, ces questions me mettaient un peu mal à l’aise (pas de pudeur mais disons de questionnement : « S’il raconte à ses parents, son éducatrice, sa psy... ce que je peux lui dire en matière de sexualité, comment cela sera-t-il perçu? »), à présent je suis naturelle et je n’anticipe pas ce genre de problème. Premièrement en général ils m’en parlent à moi parce que justement ils n’en parlent à personne d’autre, et deuxièmement je saurais tout à fait aujourd’hui justifier mon discours si on me demandait des comptes. 

Mon jeune, ce soir, se sentait angoissé par une pudeur physique qu’il a (il montre à peine ses bras et jambes nus). Et sa question était la suivante: 

« Mais ... comment je ferai, avec une fille? ». 

Je ne vous détaille pas ma réponse. En gros: tu n’y songeras pas, probablement. 

Deuxième question, suite logique:

« Valérie? Comment on sait avec une fille, quand c’est le moment de se déshabiller ? ».

Je souris. Je commence par « tu sauras! ». Largement insuffisant. Je l’ai vu à son insistance.

« Si tu as un doute, demande à la fille! C’est simple. Parle! ». 

Insuffisant encore. Il attend que je parle à nouveau. 

Manier l’humour alors. Le faire sourire pour ne pas rendre la chose « sérieuse »:

- Écoute! écoute bien! : si elle te dit « fous-toi à poil », alors là, n’hésite pas! 

Et les questions se sont enchaînées joyeusement. Anatomiquement, surtout. Et mes réponses sont devenues plus précises. Sans oublier, j’ai remarqué avec la pratique : toujours sembler en rire, et être un peu vulgaire (c’est un ado!). En gros, dédramatiser. Et surtout ne jamais avoir l’air trop sérieux. Ne jamais se prendre pour la prof de svt ou la psy du service. En rire! 

Nous arrivons bientôt. Feu rouge. Deux voies. Il tourne la tête à droite. Sur la voie de droite, un camion sur lequel était écrit: « Trouillard ». 

Il a trouvé ça de circonstance. On a ri.

Comments

[celestine T]

Se poser des questions, c'est déjà aborder la chose de manière saine. Ce sont les questions que l'on se pose devant l'inconnu, et qui dénotent un souci de ne pas faire d'erreur.

Ils sont bien ces jeunes !

Bises



 •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

[HenryWar]

Simple et naturel : pourquoi a-t-on fait de la sexualité, qui nous est si primordiale, un sujet difficile et tabou ?

[caro_carito]

Cette confiance, et cette écoute. Quand on a ça avec des ados, c'est chouette et surtout rassurant. J'adore le camion de circonstance.

[Pastelle]

Il ne doit pas être simple de trouver les mots, mais comme tu le dis ça vient aussi avec l'expérience. En tout cas l'humour et la dédramatisation sont indispensables, oui...

[trainmusical]

"Ne jamais se prendre pour la prof de svt ou la psy du service. En rire! "

Cette phrase résume très bien ta position, c'est tout à fait celà qu'un ado attend comme réponse, enfin je le pense.