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Val ...
26 août 2019

Le mari (4)

J’oubliais Mathilde pendant quelques jours. Ma curiosité n’était pas obsessionnelle. Et je la pensais sotte, d’une certaine manière. Comment pouvait-on avoir fait le choix de vivre comme en ces temps anciens ou tout n’était que faussetés, mensonges, banalités ? Ou l’on obéissait à une morale sans fondements justes? Comment pouvait-on avoir la nostalgie de toute cette mascarade ? Je méprisais un peu Mathilde. Nous avions tout obtenu: la vie publique, l’épanouissement personnel, la possibilité de nous élever sans limites, la grande liberté. Pourquoi s’abstenir et renoncer à tout, à moins d’être paresseuse et faible? 

Mais peut-être me trompais-Je? Peut-être son mari était-il un homme si abouti, en progrès contants, qu’elle ne pouvait se passer de lui, de le considérer comme un éternel guide? 

Mathilde m’appela le samedi matin, pour me donner rendez-vous le soir même dans un bar. Son mari avait accepté de s’occuper des enfants. Je reçus la nouvelle sans aucune joie. Elle me lassait déjà. Le mariage n’était-il qu’une multitude d’autorisations à demander? Quelle sottise! Quand n’importe quelle baby-sitter peut venir surveiller les enfants... 

Nous nous retrouvâmes à l’heure convenue. Mathilde semblait contente de me revoir. Elle souriait, elle était gaie. Plus enjouée que d’habitude. Je l’interrogeai sur sa joie: elle n’avait que peu d’occasions de sortir seule. Étonnamment. Elle avait peu d’amies. Et ses responsabilités familiales étaient si grandes, selon elle... 

Je pensais pouvoir la questionner comme à mon habitude. Au sujet de ce mari, de ce choix. Mais elle prit la parole la première. Je lui avais promis : elle voulait que nous parlions de moi. Pourtant, ma vie était si classique... 

Mathilde voulut connaître mes sentiments. Elle me demanda si la solitude ne me pesait pas. Cette question me surprit. Je n’y avais jamais réfléchi. Je songeai tenter une métaphore, mais elle n’aurait pas compris. 

Si la solitude me pesait? Nous naissons seuls, nous mourrons seuls. Nous élevons un enfant du mieux que nous pouvons, pour que perdure ce cercle vertueux d’êtres de grandeur. À chaque instant, nous sommes seuls face à l’existence. 

Lorsque nous avons besoin d’échanger ou de nous divertir, nous voyons des amis, nous lisons des livres, nous écrivons. Si, dans de rares moments de faiblesse, nous avons besoin de « bruit », c’est à dire de ces agitations autour de nous, nous recevons. Et parfois, la présence d’autres nous rend encore plus seuls. Voilà la réponse que je lui fis. 

Mathilde semblait confuse, embarrassée. Il n’était pas question de cela. Je m’étais fourvoyée. Elle rougit et reformula sa question. Elle voulait... me parler d’amour. Elle avait comme une gêne à aborder le sujet. Elle était curieuse, mais presque honteuse de l’être, de la vie amoureuse des autres, de tous ceux qui, comme moi, avaient fait le choix d’une vie classique. 

Son embarras me fit sourire. Je ne compris pas tout à fait cette pudeur. La pudeur, je la ressentais parfois. Elle m’étreignait quand il était question de mes faiblesses. Quand j’avais été nonchalante, molle, paresseuse, alors je ressentais une sorte de honte, et je gardais pour moi ces médiocrités par honte, du moins le temps de les corriger. 

Mathilde avait une pudeur mal placée. Autant elle pouvait ne pas dissimuler sa veulerie, autant les rapports humains lui semblaient comme un tabou. Comme dans les romans anciens. 

Cela m’amusa. Et je me fis une joie et un devoir de lui montrer comme il était simple de parler de relations amoureuses et de sexualité.

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Commentaires
H
On entend mieux la thèse de la narratrice, solide, dure, positiviste. Et as-tu conscience que tu vas susciter ici tous les lecteurs comme moi avides de détails sexuels ?
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A
Cette partie-là est la meilleure jusqu'à présent, je trouve ! Plus fine que les autres, même si le style manque encore de précision et de détails. Par exemple, le lecteur voudrait mieux connaître ce nouveau style de vie que tu préconises à travers ta narratrice.
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W
Et tu appartiens à quelle quelle classe dans ce Brave New World ?
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P
Je me demande Valérie, et je n'engage que moi, si le contexte de science-fiction ne parasite pas ton propos (avec toute la construction d'un futur que cela implique {du moins chez tes lecteurs} et qui n'est pas le but de ton texte).<br /> <br /> J'essaie de me représenter ces mêmes scènes entre deux femmes d'aujourd'hui, l'une ayant construit sa liberté et l'autre étant aliénée par ce que la première aurait réussi à dépasser. Et peut-être aussi l'une étant en même temps l'autre.<br /> <br /> Néanmoins, Mathilde, la narratrice et l'auteure ont encore beaucoup à nous dire.
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