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Val ...
23 septembre 2019

Le quadrille

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Solennels parmi les couples sans amour, ils dansaient, d’eux seuls préoccupés, goûtaient l’un à l’autre, soigneux, profonds, perdus. 

La quadrille était compliqué. Leurs mains se joignaient et s’éloignaient dans une cadence folle, celle imposée par la voix puissante du maître de danse. Ils s’essoufflaient tous deux de joie. Comme seuls au monde. Entre deux rapprochements de leurs corps, elle en profitait pour tenir son jupon, de manière élégante, comme les femmes d’ici avaient coutume de le faire. Sa robe l’embarrassait dans ses mouvements de jambes, autant qu’elle mettait ses chevilles à l’abris des regards. Équilibre compliqué, mais nécessaire à la bienséance et aux convenances, surtout dans une petit ville de l’Ouest comme la nôtre, même lorsqu’il était question de s’épuiser aux plaisirs des bals. 

Et moi je les regardais, hypnotisé par cette connivence tue, par leur discrétion imposée, par la décence qu’ils affichaient en public. Ils étaient fous l’un de l’autre, dévorés par le désir, avides de leurs corps. Leurs yeux brillants les trahissaient. Pourtant, il me semblait que j’étais le seul à m’en apercevoir. 

Peut-être n’était-ce pas perceptible par les autres? Mon regard était sans doute altéré par ce que je savais d’eux. 

Hellen était venue me voir à l’église l’après-midi même, rongée non pas par la culpabilité, mais par le poids du secret qu’elle gardait. J’avais pris soin de l’écouter sans jugement. Elle, fille de l’unique médecin de la ville, benjamine de la famille la plus convenable qui soit, s’était donnée à Isaac, l’adjoint du shérif, ce type au sang à demi indien. Un Peau-Rouge civilisé, tout au plus! 

Et pourtant, je devais me rendre à l’évidence : jamais je n’avais vu Hellen danser avec autant de joie. Sa robe tournoyait en rondes folles, ses yeux brillaient d’euphorie, son rire pourtant discret vous frappait par un éclat insoutenable. Jamais je ne l’avais trouvée aussi belle, aussi femme qu’en cet instant. 

Alors, soudain, je quittai le bal et allai seller mon cheval. Je pris la route seul et dans le noir, pour me rendre dans une ville non loin, mais où je n’étais pas connu sous le nom du Révérend Moore, mais où je serais perçu comme un simple voyageur en quête de repos et de distraction. 

J’arrivai très tard, harassé mais déterminé. J’entrai dans le saloon, et demandai un lit et une fille pour la nuit. 

Par chance, le lieu était presque vide et on me fit choisir la fille. Je pris celle qui ressemblait le plus à Hellen, sans bien savoir pourquoi. Une jolie blonde pas vulgaire au chignon serré. 

Son nom? Je me souviens qu’il est doux et sonore, comme ceux des aimés que la vie exila.

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Commentaires
C
ton texte est GENIAL<br /> <br /> bises
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H
Joli respect des contraintes ; la construction amène intelligemment de A à B. C'est élégant, peut-être un peu rapide, mais stylisé tout de même. Creuser encore l'intensité, approfondir l'émoi, ne pas enchaîner trop vite : c'est moins couru ainsi, mais plus artiste.
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B
Au moins, tu es sortie des sentiers battus et tu nous as fait voyager dans l'West ! <br /> <br /> Bravo !
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V
Mais si, c’est engageant ! <br /> <br /> Très!
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D
Je ne comprends rien à ça : "devoir de Lakevio du goût n° 9". Ce n'est pas très engageant…
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