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Val ...
3 octobre 2019

La bague (et autres nouvelles) , Octave Mirbeau

J’aime Octave Mirbeau. Sans chauvinisme. Je me demande bien pourquoi il est aujourd’hui si boudé, anonyme, remisé, quand on encense un Balzac ou un Proust. Vraiment! 

J’ai commencé par lire un roman, puis deux. Il ne m’a pas déçue. Jamais. J’avais envie de lire un recueil de nouvelles, cette fois. 

Il s’agit là de six nouvelles. Parfois cruelles. Toujours ironiques et cinglantes. Les personnages de ces nouvelles se retrouvent généralement dans des situations grotesques, ou ont quelque chose de loufoque. Comme autant de caricatures de ses contemporains. 

Mirbeau se moque. Il se moque de la bêtise humaine, de ce qu’il y a de plus détestable et vil en l’homme. Il fustige, par l’humour et le grotesque, la sottise de ses semblables. Mirbeau joue avec l’absurde (« La vache tachetée ») pour dénoncer les failles de la justice par exemple, ou le jugement populaire. 

Ainsi, un pharmacien vénal utilise sa science pour tuer le vieux qu’il a persuadé de tout lui vendre en viager. Un vieux se tue pour l’amour d’une femme qui l’ignore. Un pauvre paysan sans histoire est condamné à mort par la justice et la foule pour avoir possédé une vache tachetée. 

Et Mirbeau écrit bien. C’est propre. 

Néanmoins, ce n’est pas non plus exceptionnel, il faut le reconnaître. Surtout au niveau du style. Ce recueil n’est à lire... qu’une fois. Les idées sont intéressantes, mais l’écriture, sans être mauvaise, n’a rien de vraiment épatant. 

 

Extrait choisi: 

 

« Le dix-septième jour de la seconde année de sa prévention, Jacques Errant fut extrait de son cachot et conduit entre deux gendarmes dans une grande salle où la lumière l’éblouit au point qu’il manqua défaillir… Cet incident fut déplorable, et le malheureux entendit vaguement quelques personnes murmurer :

— Ce doit être un bien grand criminel !…

— Encore un qui aura proclamé une vérité !…

— Il a plutôt l’air de celui qui possède une vache tachetée…

— Il faudrait le livrer à la justice du peuple !

— Regardez comme il est pâle !

— À mort !… À mort !… À mort !…

Et comme Jacques reprenait ses sens, il entendit un jeune homme qui disait :

— Pourquoi criez-vous contre lui ? Il semble pauvre et malade.

Et Jacques vit des bouches se tordre de fureur, des poings se lever… Et le jeune homme, frappé, étouffé, couvert de sang, fut chassé de la salle, dans un grand tumulte de meurtre.

— À mort !… À mort !… À mort !…

Derrière un immense Christ tout sanglant, et devant une table en forme de comptoir, il y avait des hommes assis, des hommes habillés de rouge et qui portaient sur la tête des toques étrangement galonnées d’or.

— Jacques Errant, prononça une voix qui sortait, nasillante et fêlée, de dessous l’une de ces toques, vous êtes accusé de posséder une vache tachetée. Qu’avez-vous à répondre ?

Jacques répondit doucement et sans embarras :

— Monsieur le juge, comment serait-il possible que je possédasse une vache tachetée ou pas tachetée, n’ayant ni étable pour la loger, ni champ pour la nourrir ?

— Vous déplacez la question, reprocha sévèrement le juge, et, par là, vous montrez un rare cynisme et une détestable perversité… On ne vous accuse pas de posséder soit une étable, soit un champ, quoique en vérité ce soient là des crimes audacieux et qualifiés que, par un sentiment d’indulgence excessive, la Cour ne veut pas relever contre vous… Vous êtes accusé, seulement, de posséder une vache tachetée… Qu’avez-vous à répondre ?

— Hélas ! protesta le misérable, je ne possède pas cette vache-là, ni aucune autre vache que ce soit !… Je ne possède rien sur la terre… Et je jure, en outre, que jamais, à aucun moment de ma vie, je n’ai, de par le monde, proclamé une vérité…

— C’est bien ! grinça le juge d’une voix tellement stridente que Jacques crut entendre se refermer sur lui la porte de la prison éternelle… Votre affaire est claire… et vous pouvez vous asseoir !… »

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Commentaires
C
Je me demandais? Mirbeau... Bien sûr ici il y une rue Mirebeau... mais Voilà la femme de chambre avec la terrifiante Jeanne Moreau. Je crois que j'avais aimé mais cela fait partie des vieilles lectures... Du coup, comme tu es cruelle avec l'auteur, je n'y retournerai pas.
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A
J'ai quelques vagues souvenirs de « journal d'une femme de chambre » où tous les protagonistes sont plus affreux les uns que les autres y compris Célestine, la femme de chambre.<br /> <br /> Cela sent quand même pas mal le soufre chez lui il me semble.<br /> <br /> Par certains côtés ce n'est pas pour me déplaire. Mais ce n'est pas la bonne période pour moi pour ce genre de littérature.<br /> <br /> Mais bon, comme ses œuvres sont dans le domaine public et gratuite sur ma liseuse, au moins cela ne me ruinerait pas… !
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B
Je n'ai jamais lu Octave Mirbeau mais je me souviens avoir vu "Le journal d'une femme de chambre" adapté du roman de ce dernier, avec la célèbre Jeanne Moreau.
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H
Trop court, femme ! Il y faut une analyse plus poussée, quant au style notamment que tu déplores un peu, ou bien c'est maigre ! Rendre cela, comme pour Nin/Miller, plus personnel, ou l'on s'ennuie !
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P
J'ai lu quelques unes de ses œuvres, sur tes conseils déjà, mais je suis loin d'avoir encore tout lu.
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