Voici l’homme!
Devoir de fin de vacances du Goût.
Regardez bien, Mesdames et Messieurs, ce spécimen. Qu’importe qu’il ne soit que le contenant, il reflète la noirceur de son contenu.
C’est une maison? Donc c’est l’homme! C’est l’homme? Alors c’est le reflet de son cerveau et de son âme.
Sentez-vous ? Il pue le salpêtre! Que dis-je? La charogne! Il n’inspire que pourrissement et immobilisme consternant, vous ne trouvez pas?
Je pourrais vous rassurer par un « N’ayez crainte! » mais j’ai bien peur de vous mentir de manière éhontée. Soyez-en un peu effrayés, plutôt! Car voici l’homme ! Voici ce qu’il est devenu, et comme il s’est laissé aller à l’oisiveté et à la décadence.
Celui qui était si splendide avant, fabriqué de bonne facture et avec des matériaux nobles. Voici, sous vos regards ébahis, l’humanité ! La nouvelle apparence de l’Humanité! Celle qui a précipité sa chute par sa seule négligence.
Cette bâtisse, faite pour durer des siècles, bien solide et forte, bien conçue, pouvant être utilisée comme rempart aux intempéries, à la facilité, à la bêtise, n’est plus rien aujourd’hui.
Voici l’Homme. Il n’est rien qu’un tas de pierres défraîchies, qui ne fait même plus illusion.
Quoi? Ce n’est que.... son contenant? C’est pareil, je vous l’ai dit! Tout pareil ! Vous pensez réellement qu’à l’intérieur, c’est mieux?
Le voilà donc noirci, pourri. Tout à fait délabré, cassé, fissuré. Qui ferait confiance à une telle bâtisse? Qui donc?
Il n’est plus aujourd’hui que délabrement .
Pourtant, ne le plaignons pas: il ne s’est pas entretenu, et c’est là sa grande faute. Il a négligé ses failles, et aujourd’hui elles sont cavités béantes.
Regardez donc ses yeux, Messieurs, Mesdames! Du moins les fenêtres par lesquelles il voit. Elles ont terni. Elles sont sales, fissurées. L’homme n’est plus en mesure de seulement observer. Il n’en n’a plus la possibilité, et une fois encore, il en est le seul responsable. L’homme ne voit plus qu’à travers des hublots usés, salis, fêlés.
L’homme est moche et malsain. Et par sa faute. Bientôt la végétation le recouvrira tout à fait jusqu’à l’étouffer. Et il se laissera faire mollement. Il ne sait rien faire d’autre que de se laisser mollement aller à l’assoupissement.
Enfin, il s’écroulera. Et personne ne pourra regretter la vieille bicoque incommode qu’il était. Mérite-t-il un autre sort?
Mettez-lui un peu d’enduit pour cacher tout ça, ajoutez un ravalement de façade, un grande nettoyage: ça ne changera rien en profondeur, vous ne sauverez que des apparences.
Il est gâté de l’intérieur, comme un fruit rongé par le vers de la bêtise mêlée de paresse.
Rien à admirer là-dedans, sauf pour les nostalgiques qui pleureront sur ce qu’il a été un jour, dans un temps ancien.
Vous ne ferez rien de cet homme!
Alors, moi, je vous le dis: autant tout raser dès maintenant. Qu’il laisse place à un bâtiment neuf, sain, et harmonieux!
Ainsi, le guide décrivait les restes d’une humanité révolue.
Mais malgré ses mots, malgré ses explications, malgré l’insalubrité qui sautait pourtant aux yeux, les gens ne voyaient rien. Ils ne voyaient rien qu’une maison comme on en voit souvent et partout. Elle faisait partie de leur ordinaire, du décor si l’on peut dire. Pas de quoi être choqué du banal, du répandu, de ce qui est la norme. On disait même que la bâtisse « avait son charme », et le mérite d’exister.
Alors, le guide était pris pour un fou. Toujours. Et on lui riait au nez.