La quête de Zia
Le peuple de Zia vivait dans les grottes enfouies. C’étaient de vastes galeries, toutes reliées entre elles. Le réseau de grottes étaient gigantesque. Les tunnels y étaient larges, les trous si immenses que chacun d’eux pouvait abriter une famille entière. Il y faisait chaud naturellement et le tout était sécurisé. Pour assurer la protection des femmes, elles n’en sortaient jamais. Non qu’une loi leur interdisait, mais plutôt qu’elles savaient l’extérieur hostile, et laissaient le soin aux hommes d’aller chasser dehors. D’ailleurs, il était évident qu’il était dangereux de s’aventurer en dehors de la grotte: régulièrement, certains chasseurs ne revenaient pas.
Zia, elle, s’ennuyait dans la grotte. Le confort, la chaleur et la sécurité ne parvenaient pas à la retenir dans la grotte. Elle voulait voir ce qu’il y avait au delà de ce qu’elle connaissait. Et cette pensée devenait, peu à peu, obsédante. Sa curiosité la piquait la nuit, l’empêchant de dormir.
Si bien qu’un matin, elle décida de sortir. D’abord hésitante, elle avait fait un petit pas timide à l’extérieur, et puis, attirée par la lumière naturelle, par la chaleur d’un rayon de soleil, par l’odeur enivrante et nouvelle de la nature, elle s’était extraite tout à fait du refuge.
Elle avait alors été délicieusement chauffée par un rayon de soleil magnifique, lumineux, éclatant et chaud. Comme c’était bon! Comme cela la changeait de la grotte sombre et de la chaleur lourde et pesante de l’intérieur. Comme les odeurs et les bruits étaient différents, dehors! Sa grotte ne sentait que le moisi et le renfermé. Dehors, tout était bon. Tout n’était que découverte, exploration, nouveauté et exaltation. Sa peau recevait agréablement la chaleur douce, l’humidité saine, le vent frais. Ses narines s’enivraient de brise et d’herbe humide. Lorsqu’elle fermait les yeux, le soleil passait au travers ses paupières, diffusant encore une lumière rouge. Elle aurait pleuré de tant de bonheur.
Depuis ce jour, elle sortait chaque fois qu’elle le pouvait. Jamais très loin. Jamais très longtemps non plus. Juste le temps de revivre cet instant fort dont elle ne se laissait pas.
Seulement, depuis sa grotte, elle n’avait eut qu’une vague idée de ce qu’étaient les saisons. Bientôt, ses sorties furent bien moins agréables : ou bien il pleuvait, ou le vent glacé lui giflait le visage, ou encore il faisait froid, si froid qu’elle grelottait et rentrait après quelques minutes, désespérée de ne plus trouver le soleil pour l’étreindre à chaque fois qu’elle l’aurait souhaité.
Pourtant, elle le voyait à l’horizon, le soleil. Il suffirait de marcher un peu pour retrouver la plénitude de son étreinte. Là-bas, au loin, il devait faire si bon...
Aussi, elle avait entrepris de partir à sa rencontre. Elle marcherait jusqu’à retrouver le bonheur qu’elle avait connu.
Elle marchait dans le noir et la vase depuis des mois. Malgré la pluie, le froid, l’obscurité, l’odeur pestilentielle, les obstacles sur lesquels elle trébuchait régulièrement. Mais la fin en valait la peine, pensait-elle. La fatigue, le découragement, son corps trempé et grelottant, la fièvre ... tout cela n’était rien.
N’importe: elle avançait . Dans l’espoir, toujours, d’atteindre cette lumière éphémère.
Parfois, les nuages laissaient passer un peu de lumière. Son corps s’y réchauffaient, ses yeux voyaient enfin la beauté alentour. Elle était bien, alors. Mais que de marche et de torture pour cette minute d’intensité. Seulement, ça en valait la peine. Elle aurait supporté plus qu’elle ne pouvait endurer, pour quelques instants de cette béatitude.
Un jour d’épuisement, pourtant, elle essuya l’averse de trop. Ses pieds s’enfonçaient dans la vase, alourdissant chacun de ses pas. L’effort devint plus douloureux que la lumière était belle.
L’horizon, pourtant si beau, était si loin encore. Et peut-être n’était-ce qu’un mirage que jamais elle n’atteindrait.
Tout était noir autour. Sa quête n’était plus que nuit noire , du froid, glace, et averses gelée.
Son corps et son âme ne se réchauffaient plus qu’à intervalles de plus en plus longues. Les nuages étaient si denses et lourds. Tandis que la foudre, le froid et la peur redoublaient. Et que la boue devenait de plus en plus engluante.
Alors, sous cette averse de trop, elle avait flanché. Elle s’était laissée tomber, genoux à terre, dans cette vase puante. L’eau avait coulé sur elle des heures durant. Elle n’avait plus la force de se relever. Et plus l’envie surtout. Et aucun rayon de soleil n’était venu la réconforter.
Bien avant sa raison, son corps avait renoncé.
L’aventure avait été belle, la quête fut noble. Mais le chemin, lui, n’avait plus rien de plaisant. Et il n’y avait bientôt plus que du chemin, dans cette quête folle.
Frigorifiée, épuisée, trempée, elle avait décidé. Elle fit demi tour, et utilisa ce qui lui restait d’énergie pour retourner à l’abris dans la grotte.
Et tant pis pour le soleil.