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Val ...
18 décembre 2019

Celle que vous croyez

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Ce film, sorti cette année, est une adaptation du roman du même nom écrit par Camille Laurens. 

Claire a cinquante ans et est mère de deux enfants. Elle est prof de lettres à l’université et se remet mal de son divorce. Elle entretient une liaison avec Ludo, un homme bien plus jeune qu’elle. Quand ce jeune amant la quitte, elle crée un profil Facebook sous un faux nom pour pouvoir l’espionner. Elle invente alors un personnage : Clara, jeune femme de vingt-quatre ans.

Seulement, c’est avec Alex, un ami de Ludo, qu’elle commence à converser via Messenger . Elle se prend alors au jeu de la complicité virtuelle. Et la spirale commence: elle envoie des photos de sa nièce pour donner le change. Ils échangent leurs numéros de portable et lient intimement connaissance par téléphone. 

Elle néglige tout pour ces échanges:  travail, amis, enfants... et se rend entièrement disponible pour leurs communications. 

Et, peu à peu, Claire devient Clara. Elle se laisse aller au point d’être le personnage qu’elle a inventé. 

La relation virtuelle dure quelques mois. 

Évidemment, Alex devient de plus en plus insistant pour une rencontre « réelle ». Et j’arrête là pour ne pas dévoiler plus de  l’intrigue. 

Les sentiments sont bien rendus. 

L’excitation que provoque le petit point vert qui signifie que l’autre est connecté est d’une belle exactitude. La gêne, l’embarras de devoir expliquer pourquoi elle répond à des messages, les yeux rivés sur son téléphone alors qu’elle est avec des amis, est juste également. 

Le fait d’écrire même des toilettes. De ne pouvoir s’empêcher de répondre aux messages, la sonnerie du téléphone qui prend le pas sur les obligations... cette frénésie furieuse de communiquer encore et encore est très bien rendue. 

Le soin du choix des mots afin plaire par messages interposés, l’oubli du reste de sa vie au profit d’une nouveauté exaltante, de débuts amoureux sans même s’être rencontrés... tout cela est d’une belle vraisemblance. Parfois dérangeante, même. 

La relation amoureuse virtuelle est décrite comme  une drogue dure. Très puissante. 

Les conversations qui prennent, à mesure, un tournant très sexuel, sont conformes à une réalité très facile à imaginer. De même que les séances de masturbation connectées, de « sexe virtuel » sonnent vrai. 

Enfin, la peur de l’absence, l’angoisse du manque, puis la réelle souffrance, le déchirement d’une rupture d’une relation pourtant « virtuelle » sont rendus avec justesse également. 

Ce film, peut-être même plus encore qu’une relation virtuelle, décrit surtout la poussée du temps qui frappe la femme. Son besoin viscéral de se sentir encore femme, encore désirable à cinquante ans, ne serait-ce que par écrans interposés. Et, au fond, ce à quoi une femme refuse de renoncer tout à fait : la séduction, la passion, le désir fou « d’avoir une vie », d’exister pour quelqu’un, d’être toujours désirée, attirante, attendue, espérée. 

Au delà de la supercherie, de la limite de la folie, c’est la femme en quête d’affection et d’ardeurs, passionnée, entière, avide de vivre intensément, qui est montrée. 

Ainsi que sa peur de l’abandon et de la solitude, son éternel besoin de réconfort, et d’être toujours bercée, ne serait-ce que d’illusions. 

Il y a aussi cette propension de la femme à vouloir se faire du mal presque malgré elle, à se blesser volontairement et inconsciemment. À vouloir tout savoir, vérifier que l’homme l’aime pour de bonnes raisons, quitte à en éprouver une peine immense et un grand dépit. Jusqu’à se rendre meurtrie, terrassée de chagrin, plutôt que de vivre et prendre le bonheur sans se poser de questions. Et c’est très féminin, comme comportement, il me semble. 

En parallèle, en intrigue secondaire, la relation, le lien noué avec sa thérapeute, à qui elle raconte tout, est ambigu. Et le fait que la psychothérapeute s’intéresse à sa patiente d’une étrange façon, comme fascinée. Cela peut interroger aussi sur comment une psychologue peut « absorber » les histoires des patients sans s’en imprégner. La psychologue est femme elle aussi. Et cela a son importance. Cette professionnelle, qui tend son oreille, semble vivre l’histoire de sa patiente par procuration, ou du moins n’y est pas indifférente. Et, en tous cas, ne respecte pas la distance nécessaire et déontologique. 

En parallèle également, l’importance de la littérature: la place de la femme dans les livres que Claire lit et enseigne à ses élèves, la norme à laquelle il faut se conformer, qui est écrite dans les romans qu’elle lit. Le fait qu’elle réécrive aussi sa propre histoire. La littérature donne corps à cette femme, la rend consistante parce que intelligente. 

Ou comment une femme brillante peut à se point perdre la raison par soif d’amour. 

Bien sûr, le film n’est pas parfait. Claire est intelligente et pourtant, elle fuit la réalité, elle ment à sa thérapeute et semble parfois irrationnelle à l’excès. C’est dommage, cela rend son personnage moins entier et moins crédible. 

De même, la fin et ses nombreux rebondissements paraissent peu plausibles. Tout comme le comportement de la psychologue, qui dépasse largement son rôle. 

Je ne sais si je dois lire le roman. J’ai peur d’en être déçue. Pourtant, le thème est intéressant. 

Et d’ailleurs, le thème principal n’est pas tant, selon moi, la relation virtuelle, les réseaux sociaux, ni même l’amour. Ils m’apparaissent comme un prétexte... au thème principal qui est, pour moi: la femme. Car, au fond, Claire est si universelle -même si chez elle tout est amplifié, exacerbé, exagéré - que l’on ne peut que, dans une moindre mesure, s’identifier à elle, et reconnaître ses propres faiblesses et désirs.

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Commentaires
C
J'ai vu le film, et je n'ai pas tellement aimé le côté factuel de l'histoire. Il me semble que c'est trop attaché à une époque, et à une technique particulière, celle des réseaux sociaux, des pseudos, bref, d'internet. Du coup, ça manque de cette délicieuse universalité qui fait qu'une histoire puisse se transposer à n'importe quelle époque sans perdre de sa force symbolique.<br /> <br /> En gros, on est loin de Marivaux ou Musset...<br /> <br /> •.¸¸.•*`*•.¸¸☆
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H
Intéressant. J'aime quand tu mêles tes pensées, en les complexifiant peu à peu, à ta critique. Tu demeures un peu vague souvent, tu exprimes des idées ébauchées par le film que tu devrais compléter - à fond. Surtout, abandonner ces : "est bien rendu", "est bien fait"... qui ne signifient rien.
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G
J'ai vu ce film. Ce que vous écrivez à son sujet est très juste. Je me suis aussi questionné quant au rôle de la psy. Dans le film, il y avait aussi quelques fausses notes. Je ne lirai pas le livre car je connais la conclusion.<br /> <br /> <br /> <br /> Cependant, dans le livre on suit probablement mieux l'évolution de la pensée de cette femme ainsi que sa dépendance relative au jeune homme.
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P
Tu ne liras peut-être pas le livre, Valérie, mais tu enrubannes ton compte rendu de ce film avec tes mots et tes phrases de telle manière, comme d'autres confectionnent un paquet cadeau et, tu ne le voulais peut-être pas, mais c'est vers le livre que tu diriges l'appétit de tes lecteurs. Qui est cette Camille Laurens et comment a-t-elle mis cette histoire en mots ? Ça commence à la téloche et ça finit sous la lumière de la lampe de chevet.
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