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Val ...
30 décembre 2019

L’affaire Matzneff

Je n’entends et ne lis que cette polémique (qui n’en n’est même pas une puisque tout le monde s’offusque d’une seule voix) qu’a déclenché ce livre intitulé « le consentement », livre écrit par l’une des anciennes maîtresses de Matzneff - directrice d’une maison d’édition aujourd’hui- qui décrit l’emprise sexuelle que Matzneff avait sur elle alors qu’elle n’avait que quatorze ans, ainsi que le zèle qu’il a mis à l’attendre à la sortie du collège pour la « convaincre » et ensuite leurs nombreuses heures passées avec lui dans des chambres d’hôtel. 

Immédiatement, on s’indigne, on le juge. Ce pedophile! Ce monstre! Comment a-t-il osé ? 

Comme si c’était une découverte ! 

Notre ministre de la culture envisage de lui retirer l’aide financière accordée aux anciens auteurs, et apporte son soutien aux victimes. Mais dans quel monde vivait-il, lui, avant la semaine dernière ? Il faut à présent la sortie d’un livre pour prendre ce genre de décisions? 

Seulement, on a la mémoire courte. Tous ses romans décrivent son goût pour les jeunes gens, et la sexualité assumée qu’il pratiquait avec ces jeunes filles (et garçons). C’était même son fond de commerce littéraire. Il ne s’en est jamais caché. Voilà: ce livre ne brise pas le silence. Tout le monde savait! 

On me rétorquera que c’est parce que les gens s’imaginaient que ce n’étaient que des fictions. Non! Invité sur le plateau de l’émission « apostrophe » par Pivot en 1990 pour la promotion d’un de ses livres, il déclare à la télévision son goût assumé pour les jeunes filles. Et ce goût pour les « minettes » faisait sourire l’assistance. 

Et même, ce cher Matzneff, j’ai fait quelques recherches, avait lancé une pétition pour la relaxe de trois pedophiles poursuivis pour avoir eu des relations sexuelles avec des garçons de treize ans. Et dans les signataires de cette pétition, on y lit les noms, entre autres, d’Aragon et de Simone de Beauvoir. Je n’invente rien. Allez vérifier. De même, sa renommée était grande, et en connaissance de cause. Il a été notamment maintes fois loué par Mitterand entre autres. Il a vanté la pedophilie dans les médias, avec la complicité de tous les journalistes, des politiques et de tous les intellectuels. 

Qui donc s’est fortement indigné sur le moment ? Une seule écrivaine (Canadienne) sur ce même plateau. Mais ça n’aura pas fait beaucoup de bruit. À l’époque, on a fait preuve d’une grande indulgence. Si j’osais, je dirais même: mêlée à une sorte de fascination. 

La justice est-elle venue le chercher à ce moment-là ? Non plus! 

Je lis également qu’à l’époque, la Brigade de protection des mineurs a laissé quatre fois repartir Gabriel Matzneff après leurs convocations, lui présentant presque des excuses pour ces dérangements. 

Pourquoi ne pas l’avoir incriminé à ce moment là? Pourquoi attendre qu’il ait passé les 80 ans et qu’une ancienne gamine, éditrice de sa condition, « sous emprise » mais consentante (On parle d’emprise, de fascination pour une aura littéraire , mais a aucun  moment de viol) sorte un bouquin? C’est d’une hypocrisie incroyable, il faut bien le reconnaître. 

À moins que notre époque s’ennuie tant, n’aie tellement plus rien à se mettre sous la dent qu’elle s’empare de tous ces faits anciens afin d’avoir toujours de quoi s’indigner moralement. Il lui faut quelqu’un à lapider. 

Le journal « Le monde » justifie la complaisance passée transformée en lynchage médiatique à présent par ce titre: « les temps ont changé ». Même Pivot se repent de ses complaisances amusées passées, par cette justification : « Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale; aujourd'hui, la morale passe avant la littérature. » 

Les temps ont changé, tant pis pour Matzneff. Les gens n’ont pas d’avis propre, pas plus il y a quarante ans qu’aujourd’hui. Ils se contentent de suivre un courant, une mode, des évolutions morales. 

Imaginez donc que dans trente ans, mes propos tenus ici soient devenus inconvenants suite à une évolution de la morale. On viendrait s’acharner sur mes vieux jours alors que je les ai tenus à une époque où ils étaient permis moralement ? C’est absurde. L’évolution des mœurs n’est pas rétroactive, autrement c’est grave et nous risquons tous, dans une moindre mesure certes, d’être lynchés tôt ou tard! 

Je ne défends pas le fait de coucher avec des gamines de quatorze ans, attention. Je n’ai pas d’opinion à ce sujet et il me semble que ces affaires délicates sont très difficiles à juger. Qu’est-ce que le consentement ? A partir de quel âge est-on assez mature pour ne pas, plus tard, estimer avoir été sous emprise? Je laisse cette question complexes aux législateurs. 

Mais enfin, il faut reconnaître que cette lapidation tardive, plus de trente ans après les faits et alors qu’à l’époque ça amusait voire fascinait tout le monde, est presque injuste.

Par ailleurs, cela remet au goût du jour également le Débat sur l’œuvre et la personne. Faut-il brûler l’œuvre même de qualité au prétexte que l’homme est immoral? Moi, je pense que non. 

Blanche Cardin, néanmoins, estime que les artistes sont « favorisés » à ce sujet. Elle explique que s’il s’agissait d’un boulanger, on ne dirait pas « bon, il viole un peu les gosses dans le fournil, certes, mais il fait du bon pain ». 

Pourquoi pas, après tout, continuer d’apprécier l’œuvre ? Est-ce qu’un crime, une faute morale, remet en question un talent, le travail et l’effort ? Et toute une existence en dehors de la faute? D’ailleurs, en ce cas, brûlons Lolita de Nabokov, brûlons tous les romans qui évoquent un crime ou une faute morale. 

Les actes, s’ils sont immoraux, moi, je m’en fous assez. Maintenant, s’ils sont illégaux, la justice doit faire son travail.

Mais l’œuvre n’a rien à voir là-dedans. 

C’est assez vertigineux et indignant de penser que si, demain, je tuais quelqu’un, vous penseriez tous, soudain, que ce que j’ai écrit ne vaut plus rien. En quoi un acte changerait ce que j’aurais produit? Mes textes ne seraient-ils pas toujours les mêmes? 

D’ailleurs, les romans regorgent de meurtres, de tueurs en série, et d’immoralités. Et fort heureusement ! 

Je pense que les pires horreurs peuvent être retranscrites en littérature, et devenir chef-d’œuvre. Pourquoi ne pas brûler les livres de  Sade, en ce cas? 

D’ailleurs, c’est pour cette raison que ces crachas sur ce type sont contre-productifs sur moi: cela me donne juste envie de lire... l’un de ses romans subversifs. 

Je suis à contre-courant. Ou avide de littérature tout simplement. Et curieuse même d’esprits « dénaturés ». Ou alors j’ai l’esprit de contradiction. 

Disons plutôt que je me pose une question à laquelle il est facile de répondre par déduction. Dans tous ceux qui partagent des calomnies et insultes sur cet écrivain pedophile, combien l’ont lu, au juste? En gros, combien savent tout à fait  de quoi ils parlent? 

Combien d’entre eux vont se faire un avis propre en lisant ses romans plutôt qu’en partageant des vidéos et articles indignés, ou on le lapiderait avant qu’il n’y ait procès. 

D’ailleurs, il n’y aura pas de procès, logiquement. Pas pour prescription des faits, mais tout simplement parce qu’aucune des jeunes filles à l’époque n’a porté plainte. Tout simplement. 

L’une d’elle ayant préféré... écrire un livre.

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Commentaires
H
Ton article - c'est une faiblesse mais aussi une prudence - n'exprime rien sur le fond, sinon que d'hypocrites effets de mode s'emparent de faits et les rendent prépondérants, et qu'un artiste ne devrait se juger qu'à son art. Mais ces deux évidences suscitent déjà tant d'indignation et de polémique que je ne puis m'empêcher de penser comme tu as bien fait d'en rester là !
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B
Il y a quand même de la fantaisie dans ton article : quand tu alimentes ton raisonnement en commençant par « On me rétorquera que ». Quelle imagination !<br /> <br /> <br /> <br /> Tu écris que « C’est assez vertigineux et indignant de penser que si, demain, je tuais quelqu’un, vous penseriez tous, soudain, que ce que j’ai écrit ne vaut plus rien. », mais on peut ne pas attendre que tu tues quelqu'un.
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B
Vivement la prochaine affaire médiatique que tu t'en empares à ton tour et que tu nous éclaires !
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K
C'est bon Val ! tu m'obliges à réfléchir ! pas que je n'aie déjà réfléchi à tout ça; mais pour te répondre je dois regarder plus loin que la surface. Alors à plus !
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K
Pour ma part je n'ai aucun intérêt à lire cet auteur quand bien même il serait le plus grand. Le talent ne suffit pas, il me faut aussi de l'admiration pour l'écrivain en tant que personne. Je me réfère à Biljana Djurdjevic qui a possiblement un certain talent de peintre mais ses œuvres sont abjectes et ses modèles certainement pas consentants.<br /> <br /> Bravo à Mme Denise Bombardier,... quel flegme, quelle vaillance !<br /> <br /> https://journalmetro.com/actualites/national/2409052/affaire-matzneff-denise-bombardier-au-coeur-de-lactualite/
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