Individualité
(Texte 3 de mon marathon d'écriture).
Elle avance d’un pas décidé, entourée de vigiles et huée par une foule qui se sent puissante et légitime à l’insulter parce que massive.
Elle continue sa route et gagne enfin sa cabine. Elle conduira le métro, aujourd’hui. Quoi qu’il lui en coûte, et malgré cette majorité indignée et vociférante.
Peu m’importent ses raisons et convictions, financières ou idéologiques. La briseuse de grève montre qu’elle est quelqu’un.
C’est si facile de se ranger du côté de la majorité, de supporter une perte de salaire tous ensemble et pour une cause commune. Quels sont les risques, au juste, d’agir comme le troupeau, suivant la mode du moment?
Est-on quelqu’un en défendant des idées partagées unanimement?
Non, on n’est plus personne. Un dix-millième d’un troupeau d’imbéciles, luttant en façade dans l’intérêt commun mais écrasant, bafouant par des huées, toute liberté individuelle.
Ce qui coûte n’est pas, ces jours-là, d’être du côté des grévistes. Se différencier demande tellement plus d’efforts. Non pour la frime ni la provocation, mais pour son intégrité et son intérêt personnel, quel qu’il soit.
Marcher droit devant soi, sans honte, contre la foule hurlante, au risque d’être bousculée, insultée, haïe. Voilà qui est déjà honorable et admirable comme tout acte d’individualité, de résistance.
Chaque fois qu’un individu se dressera seul contre la multitude, pour cela il aura mon admiration.