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Val ...
11 février 2020

« Et l’on n’y peut rien »

Un jour, je le sais déjà, tu ne me seras plus rien. 

Le feu s’épuisera inévitablement. Et je m’epuiserai à mesure. Je n’y pourrai rien cependant. Ni toi non plus. 

Les promesses anciennes ne feront plus sens. C’est à peine si je me souviendrai en avoir jamais prononcées. N’importe si tu seras resté le même, mes attentes auront bougé, voilà tout. 

Et d’ailleurs, tu auras changé à mes yeux, fatalement, ne serait-ce parce que tu ne seras plus la nouveauté qui fascine, que je ne me satisferai plus de te découvrir, te sachant par cœur. 

Il est probable pourtant que je souffle quelques temps encore sur ce feu crevé, et de toute mes forces. Afin de le faire perdurer encore un peu, de me leurrer de cette illusion bête du « ça peut reprendre ». 

C’est qu’alors, le souvenir des premiers instants d’amour me sera encore doux, que les débris des bonheurs passés sauront m’émouvoir assez pour désirer les conserver, comme autant de reliques précieuses. 

Dernier effort vain. Les braises fumantes ne me réchaufferont plus tellement. 

Je le sais et pourtant je feins de l’ignorer. 

C’est le jeu amoureux qui s’illusionne et se complaît dans cette cécité folle, naïve, immature. 

Aujourd’hui, tu es le monarque. 

Mais demain? 

Demain, tu seras l’importunité d’une présence en « trop », la preuve vivante d’une élection passée que je serai tentée de renier, et dont j’aurai honte peut-être. Je me demanderai comment j’ai pu t’aimer autant, comment j’ai pu supporter et même adorer ton être entier. Je ne saurai plus ce qui m’aura un jour poussée vers toi, mesurant tout ce temps perdu à entretenir ainsi une relation. 

Rien n’aura lieu du jour au lendemain. Tout

se fatiguera progressivement: un brisement par ci, une désillusion par là, et puis un échec, une déception, un dégoût, une incompréhension. Et, peu à peu, la somme de tout cela se dressera devant moi comme autant de briques qui formeront un mur, que je me donnerai la peine d’enjamber d’abord, mais qui bientôt devient trop haut. Bien trop haut pour moi. 

Viendront d’abord les doutes, qui bientôt se transformeront en un certain dégoût. 

Oh, il demeurera,  un temps, un reste de gratitude, un certain respect pour ce que l’on s’est mutuellement apportés, et je ferai en sorte, tant que je le peux encore, de toujours te parler de manière cordiale. Jusqu’au moment où l’importunité de ta présence deviendra plus forte, bien trop forte pour feindre ou entretenir une certaine mondanité. 

Et alors je deviendrai ingrate. J’aurai évolué, voilà tout. Mes désirs se tourneront vers une autre direction, qui tu n’auras pas prise. J’avancerai sans regrets, ne me retournant même pas par pitié. Celui qui part se fiche de ce qu’il laisse derrière lui. Il est déjà passé à autre chose. 

Il n’y aura pas même de nostalgie. Ce temps d’amour  révolu ne vaudra plus rien à mes yeux. Le mur aura fait en sorte que je ne puisse même plus voir le bonheur dont je me rassasiais naguère. Et je sens, Ô combien, comme ce revers paraîtra bien injuste et cruel. 

C’est que j’aurais pris de toi, avant cela, tout ce que tu auras mis à ma disposition. Je t’aurais auparavant tout à fait consommé, me servant de tout ce qui m’aura été utile en ta personne. Sangsue qui s’abreuve tant qu’elle peut du sang riche, somptueux, disponible et abondant de sa victime et qui s’en va se nourrir ailleurs en oubliant tout à fait l’individu qui l’a précédemment nourrie. 

Ce jour arrivera. Tôt ou tard. Je le sais déjà. Je l’ai toujours su. 

Mais, bien sûr, pour l’heure, je feins encore - à peine -  de l’ignorer.

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Commentaires
H
Une anti-promesse d'amour, comme une promesse de ne plus aimer, aux antipodes des vœux absurdes et pieux du mariage. C'est peut-être même encore plus insidieux pour nous autres qui courons dans la voie du progrès personnel, de la vérité pure, du déchaînement de tout ce qui fait la trame commune et désolante de l'homme, : nous sommes destinés à ne plus reconnaître l'amour, condamnés à ne plus aimer, à négliger ce repère universel jugé étonnamment lâche et piètre après coup. Pourtant, est-ce à dire que nous cesserons d'être "attachés" ? Je l'ignore.
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A
J'ai remarqué, aussi, que cette extinction de l'intérêt amoureux dans une relation quotidienne de couple suivait un cycle plus ou moins long, qui se répétait à peu de variations près. Par exemple, le muret que tu décris plus haut se révèle plus ou moins franchissable selon nos besoins et nos dispositions. <br /> <br /> Une sorte d'instrumentalisation de l'autre, sous les faux abords d'un bon sentiment ! (Mais qui est consentie et réciproque : une sorte de pacte qui finit par se rompre... dès lors qu'on aspire à plus et qu'on est résolu à quitter la sécurité et le confort de cet amour-là.)
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A
Monologue triste mais intéressant d'une partenaire d'un couple délité. Une femme qui n'espère même plus et qui pourtant est toujours là, dans la passivité projective. Et en inventant des raisons de rester qui ne tiennent pas la route. C'est un peu « chronique d'une mort annoncée. Mais le cadavre est déjà sous terre ».<br /> <br /> On aurait envie de lui dire : et si tu faisais ta valise ? Là, maintenant, tout de suite !<br /> <br /> Mais on se taira puisque cela ne servirait à rien.<br /> <br /> Ce jour arrivera ? Mais non, il y a longtemps qu'il est déjà passé… c'est pour cela que tout propos à lui adresser est inutile.<br /> <br /> Il y a longtemps qu'elle s'est recluse dans l'illusion, ce qui est une manière de se renier.<br /> <br /> C'est peut-être cela qui est le plus intéressant. Feindre d'ignorer, comme justification d'attente, ce qui pourtant est déjà terminé. Un peu comme quelqu'un sur un quai de gare qui prétend attendre le dernier train. Or il y a bien longtemps qu'il est déjà à la casse…<br /> <br /> voilà mon choix interprétatif. Parmi d'autres possibles…
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