L’art mineur
J’entends encore Gainsbourg qualifier la chanson d’art mineur, sur un plateau de télévision. La chanson serait un art mineur, contrairement à la poésie, la peinture, l’architecture, la musique classique, la littérature, entre autres, qui sont des arts majeurs, parce que, dit-il, ils demandent une initiation.
Et je pense, moi, que l’initiation n’est pas l’unique critère. Il y a aussi, dans ma définition d’un art majeur, cette idée du travail précis, méticuleux, soigné, acharné. Faire de l’art, c’est bosser durement, c’est se soumettre à des règles contraignantes, à des perspectives, à la versification.
Lorsque l’on doit donner son avis sur une œuvre d’art, au delà du classique et inutile « j’aime » ou « j’aime pas » prononcé à la va-vite, comme on lance son goût ou dégoût sans finesse et sur des critères aussi subjectifs qu’infondés, que l’on soit spécialiste ou novice, ce critère fondamental de travail doit nous venir à l’esprit, presque par automatisme.
Quel travail y a-t-il derrière ce chef-d’œuvre ?
N’importe si le thème ne nous est pas cher, si la discipline n’est pas notre domaine de prédilection, n’importe si l’on exècre l’homme derrière l’artiste. Une seule vraie question, primordiale, devrait prévaloir avant de donner un avis: quel travail artistique y a-t-il derrière cette œuvre?
Alors, je demande pardon (enfin, c’est une formule pour introduire mon propos plus qu’une réelle intention, je l’avoue) mais les œuvres de Roy Lichtenstein me font l’effet de ... chansons.
Peut-on raisonnablement estimer qu’il y a un travail conséquent derrière plus de ... cinq-milles œuvres, en une seule carrière? Comment nommer artiste celui qui reproduit un ... Picasso, ou des pages de bandes dessinées?
Est-ce que ce monde est sérieux ?
Regardez ce tableau. Regardez-le bien. Est-ce de l’art majeur?
Moi qui aime, sur ces devoirs, avoir l’opportunité de dresser des portraits de femmes, aussi profonds et justes qu’il m’est possible de le faire, j’en aurais eu largement l’occasion, presque servie sur un plateau, avec cette blonde et son « I love you, but... ».
Seulement, elle ne m’inspire pas, elle ne m’inspire rien. Ce portrait de femme n’est ni juste ni profond, voilà ce que j’en dis. Elle m’a simplement donné envie de clarifier ma position sur ce que j’estime ou non être une œuvre d’art.