« Libre et légère », (Edith Wharton)
Je n’avais pas l’intention de lire ce livre. J’ai voulu relever une sorte de défi. En lisant et rédigeant une note en même temps que Henry War et sur le même livre. Le hasard fit, quand l’idée m’a séduite, qu’il s’apprêtait à lire ce livre de Edith Wharton, que je commandai aussitôt.
« Libre et légère » est un premier roman. Écrit par une jeune fille âgée de seulement quatorze ans, sous un pseudonyme masculin.
Ce roman raconte l’histoire de Georgie, une jeune fille capricieuse et vénale qui rompt avec son fiancé sans le sou pour accepter la demande en mariage d’un riche aristocrate beaucoup plus âgé qu’elle.
L’histoire est banale et même sans grand intérêt. L’intrigue ne vaut pas grand chose. C’est assez naïf, insipide, bourré de proverbes et empli de clichés. Tout est d’une platitude et d’une fadeur dignes... d’un roman écrit par une adolescente, sans surprise.
Le titre est trompeur, même, et j’ose dire: mensonger. Ce titre promet pour le moins du sulfureux, ce qui n’est absolument pas le cas. Décevant là encore.
Le style me fait songer à celui de Georges Sand. Quelque chose de soigné certes, mais de très simple. Un vocabulaire courant la plupart du temps. Une fluidité sans effets notables mais pas désagréable pour autant. Ce serait assez médiocre, en somme, pour n’importe quel auteur. Cependant, il faut se souvenir que la jeune auteure avait alors quatorze ans. Ce qui est tout à fait inconcevable à notre époque. Lorsque, l’an dernier, ma fille a écrit un roman collectif, sous la direction de son cher professeur de français, il fallait voir comme il était laborieux pour elle de rendre ne serait-ce qu’un paragraphe de deux cents mots sans faute de syntaxe. Que ce même paragraphe était repris et corrigé par son professeur. Que si le roman final est bon, il n’est pas seulement la somme de toutes les volontés de la classe mais surtout le fruit du travail du professeur. Je le sais, puisque j’ai assisté aux séances d’écriture de ma fille. J’ai vu.
Ce qu’il y a de meilleur dans ce livre est sans doute une série de trois critiques qui font suite à « libre et légère ». Critiques très justes et sans complaisance.
Ce premier roman, bien que rassemblant plusieurs défauts d’importance, est néanmoins très prometteur pour l’âge de Edith Wharton, et laisse supposer que la même personne, adulte, deviendra plutôt brillante.
Justement, l’occasion est donnée au lecteur de le vérifier, puisque ce premier roman est suivi de « Expiation ». Cette nouvelle, écrite plus tard, se donne pour but de montrer comme une mauvaise critique morale d’un livre fait son succès. Qu’en somme, rien ne vaut un bon scandale pour bien vendre. Si bien qu’un Évêque invente une esclandre au sujet du roman de sa nièce, qu’il attaque en prêche et déclare immoral en public, avec des arguments inventés, afin qu’il se vende mieux.
C’est drôle et frais, mais sans beaucoup d’efficacité dans la narration. C’est même assez impatientant au début et d’un style plutôt plat.
Cette nouvelle se moque à la fois des journalistes et critiques littéraires, mais également des lecteurs, qui ne savent se fier à leur propre jugement mais sont sous l’emprise d’un évêque qui peut leur faire croire tout et n’importe quoi au sujet d’un livre qui leur est pourtant accessible.
J’ai aimé malgré tout dans cette nouvelle une bonne connaissance de la femme mariée, notamment de celle qui domine son époux intellectuellement, et de son exaspération face à un époux qui l’admire aveuglement, faute de pouvoir s’élever à son niveau et la comprendre. Cette femme, ainsi, écrit un livre qu’elle estime subversif - mais elle aurait tout aussi bien pu faire autre chose - dans l’espoir que, pour une fois il la désapprouve. Ce qui n’arrive pas, et qui l’exaspère hautement.
Heureusement, Edith Wharton ne semble pas avoir stagné depuis ses quatorze ans. Pour autant, si la nouvelle finale est trop courte pour porter un jugement affiné sur l’ampleur de cette évolution, elle n’est pas, de ce que j’en ai lu, un grand auteur.