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Val ...
13 avril 2020

Les oubliés

J’ai trouvé dans ma boîte mail un courrier provenant d’un syndicat intitulé : « La protection de l’enfance, grande oubliée de la pandémie ». La lettre traitait logiquement des difficultés rencontrées par les familles d’accueil confinées avec les enfants qu’elles accueillent, et comme réquisitionnées « de force » par l’Etat, ainsi que celles rencontrées par les éducateurs de foyers, qui passent huit heures par jour avec des jeunes fragiles psychologiquement et que l’on empêche de sortir. De vraies bombes à retardement, c’est certain. Si le fond est une réalité, le titre m’a assez interloquée. 

C’est que j’avais lu la veille que les ambulanciers étaient les grands oubliés du Covid 19. 

Une petite recherche Google me permet de constater comme ce titre est accrocheur et très à la mode. J’y lis que les aides à domicile sont également les oubliées de la pandémie. Ainsi que les manipulateurs radio. Et puis les routiers. Ainsi que leurs coiffeurs, esthéticiennes et tous les indépendants. Ces derniers pour d’autres raisons: ils sont privés de leur travail. 

Et enfin, les patients psychiatriques, les handicapés, les enfants placés, les usagers de drogue, les femmes battues, les SDF, les enfants victimes de violences familiale, les prostituées. Liste non exhaustive. 

Combien d’individus en France se sentent ainsi les grands oubliés ? Et d’ailleurs, que mettent-ils derrière ce mot, au juste? 

Je reviens au contenu de ce mail pour y chercher des réponses. Je vais parler de ma profession, puisque c’est elle que j’ai abordée en premier, mais ma réflexion s’applique à toutes les professions de la première catégorie que j’ai citée. 

En quoi, moi ainsi que mes collègues, devrions-nous nous sentir et nous revendiquer les grands oubliés de la crise sanitaire? Parce qu’enfin... nous faisons notre travail. Comme tous. Effectivement, les conditions sont particulières dans la mesure où personne ne prend plus le relai (plus d’ecole, plus d’hébergement chez les parents, plus de centre de loisirs ou de colonie de vacances, nos congés annulés etc...). Mais enfin, ne sait-on pas, lorsque l’on signe son contrat de travail, que c’est susceptible d’arriver? N’a-t-on pas conscience, lorsque l’on épouse une profession, que potentiellement ce genre de difficulté n’est pas exclue? 

Pas à grande échelle, certes. On ne pense évidemment pas à une pandémie, mais enfin, il peut nous arriver d’accueillir un enfant dont les parents perdent tous les droits ou presque, et qu’il ne quitte jamais le domicile. Ou encore, nous ne sommes pas à l’abris qu’un adolescent se retrouve déscolarisé, ou d’accueillir un nourrisson que l’on devra garder en permanence. Alors, j’entends: ce sont des cas particuliers, d’accord. Mais qui restent néanmoins possibles, que nous rencontrons tous, et nous signons en toute connaissance de cause. Il n’y a qu’à se dire que nous n’accueillons tous en ce moment que des cas particuliers. Prévus dans nos missions, je le rappelle. 

Parce que, il me semble bien que ce que l’on nous demande actuellement n’est ni plus ni moins que de faire notre travail, et ce pour quoi nous sommes payés, c’est à dire prendre en charge les enfants qui nous sont confiés, et ce dans un cadre familial, ce qui inclue logiquement un confinement avec eux. Je ne minimise pas les difficultés que peuvent rencontrer certains de mes collègues, ni ne prétend que la charge de travail n’est pas plus importante, mais enfin, nous faisons ... notre travail. 

On ne nous applaudit certes pas le soir au balcon. Ce en quoi nous serions des oubliés ? Eh bien, nous touchons un salaire en échange de notre travail. Voudrions-nous tous un statut de héros parce que nous travaillons dans des conditions un peu différentes ou plus difficiles qu’à l’accoutumée ? Que sous-entend de se prétendre  « Les oubliés » si ce n’est réclamer une reconnaissance nationale, des applaudissements, voire un changement de statut ou une compensation financière? (pour « simplement » faire son travail, je le rappelle). Quoi d’autre que cette reconnaissance ? Car enfin, personne ne viendra nous remplacer ni nous seconder, on le sait très bien. Ce n’est donc pas une aide que les syndicats réclament. 

Quant aux foyers, la situation n’est pas nouvelle. La pandémie accroît simplement les difficultés, mais les foyers sont à l’agonie depuis des années sans que cela ne choque personne, à la manière de nos systèmes de santé et d’éducation. Au moindre imprévu, ça explose, faute d’avoir anticipé et à cause de réductions de moyens. Les éducateurs de foyers sont dépassés logiquement. Pas par la pandémie, mais par des manquements et négligences lourdes de ce gouvernement et des précédents. 

Je vais à présent parler de la deuxième catégorie des oubliés, qui sont les indépendants. Je mets un peu cette catégorie à part, pour la raison suivante: eux, je les plains sincèrement. Je ne dirais pas qu’ils sont les grands oubliés de la crise sanitaire, mais les méprisés et les outragés du gouvernement. Je songe à l’offense qui leur est faite, au dépouillement injuste dont ils sont les victimes. Vivre de son travail est un droit fondamental et inaliénable, actuellement bafoué, écrasé de manière arbitraire et injuste. Et en vertu de quoi, au juste? De la santé publique ? Admettons ! Alors songez à ces gens - j’en connais- qui se rendent à l’usine chaque matin, qui y travaillent huit heures entourés de centaines de collègues. Et ces ouvriers ne produisent pas nécessairement des produits indispensables. Près de chez moi, une usine de pots de fleurs tourne, ainsi qu’une imprimerie de timbres étrangers. Voyez comme il est absurde de refuser à une coiffeuse d’accueillir ses clients un à un, munie de gants et d’un masque! Je vois comme la monitrice d’équitation de ma fille est à bout de souffle financièrement, comme on la prive de son outil de travail, comme les 1500 balles ne couvrent même pas ses frais fixes. Et je m’interroge sur le danger de donner des cours dans une carrière immense où chaque cavalier se tient à distance des autres de plusieurs mètres pour des raisons de sécurité évidentes. Et même: je n’entends pas que les cours particuliers soient interdits. Par contraste avec ces usines qui tournent, où se situe le plus grand danger de contamination ? Dans les champs avec les chevaux, vraiment ? 

Quant à la troisième catégorie, qui réunit les gens fragiles, sont-ce les oubliés de la pandémie, ou alors les oubliés de la société tout court? La crise sanitaire ne fait que ressortir certains aspects de leurs souffrances quotidiennes. Croyez-vous qu’un sdf soir plus exposé à la mort en temps de pandémie qu’il ne l’est en plein hiver? Pensez-vous que les enfants battus sont plus protégés en temps normal? Que les moyens donnés aux travailleurs sociaux font en sorte qu’ils sont plus en sécurité? Croyez-vous que les patients sont accueillis dans de bonnes conditions dans les hôpitaux psychiatriques en temps normal? Ces derniers sont les oubliés, oui. Mais pas de la crise sanitaire. Ils sont les négligés de tous temps.

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Commentaires
A
Il ne faudrait pas non plus oublier les PDG du CAC 40 qui doivent rogner sur leurs bénéfices juteux. Personne ne pense à les soutenir moralement.<br /> <br /> Mais c'est quoi cette société incapable de solidarité avec les riches ?
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H
Ah ! ces slogans de circonstance ! le monde ne parle que par proverbes, et tu feins seulement de t'en rendre compte, petite futée ! Un événement qui est précisément un non-événement de notre époque anhistorique (un petit virus, et pas encore autant de morts qu'une grippe saisonnière, je le rappelle), et pour y donner de l'importance, un vaste confinement qui impressionne : l'occasion est trop bonne de se plaindre, et des millions de gens, infoutus de faire d'ordinaire leur travail de façon compétente, se réclament aussitôt des "oubliés". Je propose donc les nouveaux "oubliés", ceux qui seront toujours les oubliés des oubliés qu'on cite, et je propose, par exemple, les agents comptables mères de familles nombreuses à temps partiel du service recouvrement de la SNCF; Qui dit mieux ?
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M
Les oubliés ne sont pas les éducateurs, ce sont toutes les personnes fragiles que nous accompagnons. Dans mon département. Le Conseil départemental a réquisitionné des masques pour ses agents qui ne vont pas dans les familles.... lorsque l’on demande une OPP, elle est refusée par manque de place. Alors oui je fais mon travail mais aujourd’hui il m’est impossible de protéger des enfants qui sont h24 dans leur famille. Quand on parle des oubliés , on ne parle pas de nous éducateurs, on parle de cet enfant de 6 ans mort sous les coups de son père pendant le confinement et de tous les autres que je ne pourrais pas citer parce leurs souffrances sont tues.<br /> <br /> Les éducateurs n’ont jamais attendus de reconnaissance des pouvoir publics.
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