Trop humaine
(Devoir du Goût)
Discerner la beauté d’une chose est le plus grand raffinement que l’on puisse atteindre. Moi, j’avais su distinguer. À défaut de gagner le sommet, j’avais élu la splendide montagne. Mon goût était sûr, mon choix était affirmé et éclatant de finesse.
Je le mesure encore mieux à présent que l’absence me plonge par moments dans des profondeurs obscures et glacées, où ma raison est emportée par une houle d’afflictions bêtes et ravageuses.
Je me débats pourtant avec fureur et lutte de toutes mes forces contre ces élans dérisoires et dévastateurs. Ne pas me noyer, résister à la tentation de me laisser emporter par le courant des piteuses émotions. Rester digne surtout. Refuser de me vautrer dans ma piètre humanité trop longtemps et m’accrocher à un rocher, même illusoire, dans un grand instinct de vie.
Ainsi, lorsqu’une larme silencieuse et importune vient contrarier ma quiétude et mettre à mal ma raison, je ferme les yeux et me concentre jusqu’à pouvoir recréer mentalement l’odeur chaude et fugace de son cou. Je parviens souvent à la saisir furtivement, et alors la peau fine de mes épaules en frissonne d’un bonheur simple et précieux. Il est là, près de moi, mon grand apaisement me le prouve. Même cette larme m’indique, par sa capitulation, comme elle venait mal à propos.
Ça va. Il est là encore. Inutile de pleurer.
C’est ainsi que chaque jour ou presque je rebâtis mon frêle équilibre.
Oui, je sais. Mon penser est bizarre et mon âme insensée, qui fait présente encore une chose passée.