Étape
Elle arrive un jour comme ça. Tu ne l'as pas choisie. Ni lui. C'est naturel.
Deux ou trois fois par semaine, quand ton mari est à la maison, tu lui demandes de « garder le bébé » dix minutes, t'as quelques courses à faire. Vite fait.
Tu les fais et tu reviens, sans te poser de questions. Le bébé a besoin de toi. Le Papa va avoir envie de faire autre chose que de le garder longtemps. Tu rentres vite.
Et puis un matin, tu pars pareil, même destination, même but. Tu imagines la même scène.
Tu passes au tabac, il n'y a pas la queue. A la banque, personne. A la Poste, tu passes en premier.
Tu remontes dans ta voiture. Démarre. Roule. Sauf que, devant une maison connue, tu ralentis, mets ton clignotant, stationne.
Tu sonnes en souriant.
« Je lui dirais qu'il y avait la queue ».
Tu rentres à la bourre. Longtemps après. Tu n'uses pas de l'excuse, finalement. Tu reviens avec une boite à œufs vide dans les mains et une haleine de café qui te trahit. Grillée. Tu souris gentiment. Pour te faire pardonner.
Tu n'y as pas pensé, t'as eu envie. C'est tout. T'as fait ça sans réfléchir. T'absenter honteusement.
Le cordon ne se coupe pas brusquement après 20 ans. Il se rogne étape par étape. Pas à pas.
Dixième mois.