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Val ...
3 janvier 2008

Là bas

En novembre, nous leur avions dit que nous aimerions passer les voir à Noël. L’idée n’était pas de nous. Elle nous avait été soufflée. Il fallait nous y rendre, et leur dire, pour la convenance.

J’étais pas très enthousiaste. Moi, je ne les connais pas, ou si peu. En six ans et demi, je les ai vus trois fois. Pas plus. Et pas toujours dans les meilleures conditions. Je ne les ai vu que pleurer.  Manu les connaît. Enfin, il les a connu et aimé. Malgré tout, il était angoissé à l’idée d’y aller. Il avait du mal à cacher sa gêne.

Heureusement, c’est elle qui nous a appelé, en premier. Ça aurait été plus difficile encore de nous imposer là bas. Elle nous a dit de passer le lendemain, et de venir à plusieurs, si on le souhaitait. On l’a souhaité ! Entourés, ça rend les choses plus faciles.

Deux voitures. Nous, avec les enfants, puis une autre avec leur mamie, leur tata, et leurs cousins. En force. Fallait bien ça.

Jamais je ne me suis rendue chez eux. Ils sont les seuls que je ne connais pas, ou si peu. Il paraît qu’ils ont une ferme, à la campagne. Petit, Manu adorait y jouer. Le terrain de jeux était vaste. Avant, ils accueillaient volontiers neveux et nièces.

On arrive. On se gare dans la cour toute gravillonnée. Il y aurait de la place pour vingt autos, dans cette cour. Ça ne ressemble plus vraiment à une ferme. Même Manu, ancien habitué des lieux, est surpris. C’est plutôt une élégante longère, comme celles qu’ont les parisiens.

On dit bonjour, on entre. L’intérieur est très joli. Tout est à sa place, rangé, épousseté. Ça a bien changé. Ils ont eu tout le loisir de faire des travaux. La maison est belle, mais si froide…

Pas de sapin, de bougies, de guirlande. Pas de Noël. Elle est trop bien rangée, trop nette, trop propre, la maison. Tellement que c’est presque gênant. On interdit aux enfant de courir, de crier, de salir, de jouer.

Café, thé, biscuits et chocolats, mais silence. On le romps en parlant du temps qu’il fait, des gelées, de la pluie et du nouveau tracteur. Je regarde autour de moi, cherchant du regard je ne sais quoi pour casser la glace. Je ne trouve rien. Il n’y a que des cadres et des photos. Partout ! Je la reconnais. Elle était au collège, juste un peu plus âgée que moi. Deux ans, peut-être ? Elle est partout, bébé, enfant, ado. Elle est en classe, sur la balançoire, à l’ombre du cerisier. Elle fête ses dix huit ans, son bac, son permis, sa crémaillère, ses fiançailles…Elle est seule, avec ses cousins, ses oncles, ses parents, son chien, son copain… J’arrête de regarder pour ne pas épaissir la glace un peu plus.

Je me tais. C’est à Manu, de parler. C’est son parrain. Moi, je ne suis rien… et ça m’arrange bien. Il se lance. Ils l’écoutent. Son ton est neutre, très différent de celui avec lequel il a prévenu les autres. Ils sont calmes, immobiles, assis, et ils l’écoutent attentivement, le fixant du regard.

Il a terminé. Il a dit ce qu’il avait à leur dire. Son parrain ne réagit pas. Personne ne s’en chagrine. Il est comme ça…

Elle prend la parole. Ils ne savent pas si ils viendront. Pourtant, ils ne seront pas en vacances. Pourtant, leur maison est à moins de dix kilomètres du lieu de la fête, mais ils ne savent pas.

« Oh, bien sûr, tu auras ton cadeau… Mais, tu comprends, c’est dur… »

C’est dur ! Et elle pleure. C’est dur, et il pleure. Voilà ce que Manu redoutait. On est là, tous assis à la table, et ils pleurent.

Qu’est ce qui est dur ? On n’en saura pas plus, mais on peut deviner.

C’est dur pour elle d’assister à un mariage. C’est dur de voir ses proches heureux. C’est dur de voir sa sœur marier son fils. C’est dur de la voir prendre soin de ses petits-enfants. C’est dur de se dire qu’on aura pas de petits enfants, qu’on ne mariera jamais son enfant. C’est dur, tout ce qui nous rappelle qu’on en a plus, d’enfants. C’est trop dur, et ils pleurent. C’est dur de gâcher la fête en arrivant tristes. C’est dur, le regard des autres, qui ne comprennent pas que leur peine ne diminue pas avec les années.

Ils n’ont pas dit non. Ils y réfléchiront. A tête reposée.

On a changé de sujet. La vie en Charente maritime, les enfants…Elle les a pris dans ses bras, et leur a donné des bonbons, puis… on est repartis.

Le café était amer.

Il y a six ans que leur vie a basculé. Depuis, ils sont distants, renfermés, un peu froids. Comment serions nous si ça nous arrivait ?

Ils arrivent bientôt à l’age de la retraite, mais pour quoi faire après ?

Ils avaient une fille unique…

Bon, et puis, pour équilibrer le billet, je termine par quelque chose de plus gai.

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Commentaires
V
Tilu, je suppose que tu as raison. Et survivre juste pour survivre? ça arrive aussi, non?<br /> J'ai l'impression que là c'est comme ça...<br /> <br /> Aurore, moi aussi je stresse. Parfois je refuse de âcher ma fille de la poussette chez des gens parce qu'il y a une cheminée ou un escalier à proximité. C'est une obsession.<br /> <br /> Papistache, vous avez raison. Il n'y a pas de regle. On a bien fait d'y aller, je le sais, mais c'est pas évident.<br /> <br /> Tiph, oui le temsp est sans doute un allier. Par contre, je ne sais pas si ils viendront. Ils ne sont plus venus à aucune fête de famille depuis, alors pourquoi une exception?<br /> <br /> Bises
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T
je comprends aussi leur réaction, c'est encore très douloureux, le temps atténuera peu à peu cette douleur....vous avez bien fait en tout cas, et peut être qu'en y réfléchissant et en s'y préparant, ils viendront...?<br /> Bizz
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P
Personne ne peut anticiper ses réactions face à l'adversité.<br /> Tel qui paraissait fort s'écroule, tel autre qu'on croyait faible y puise une énergie insoupçonnée.<br /> Mais qui décide ?<br /> Vous avez bien fait d'y aller et de les inviter.
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S
Un petit bonjour en passant par chez toi<br /> Très touchant ce billet...<br /> @+<br /> Samy
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A
C'est ma plus grande peur depuis que j'ai Aziliz, perdre mes enfants, quand j'y pense j'en suis malade, les enfants c'est notre raison de vivre.
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