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Val ...
15 avril 2020

Sans effet

Nous nous emmerdions ferme ce samedi après-midi, tous les cinq assis sur le banc d’un parc,  quand Fabien eut soudain une idée d’occupation. Il proposait que nous allions cueillir et ingurgiter des champignons hallucinogènes. Il l’avait déjà fait avec son frère. C’était sans danger, il l’affirmait. Et il savait dans quel champ on saurait en trouver. Bien sûr, il faudrait faire attention : certains réagissaient mal. On ne devrait pas en prendre beaucoup. 

Tous tentés par l’idée, les autres applaudirent. Et je les suivis, par curiosité et parce que je n’avais pas d’autre perspective de distraction. 

Nous prîmes la voiture de Seb, le seul qui avait le permis. Et il nous conduisit dans la campagne, sur les indications de Fabien. 

Nous arrivâmes à l’entrée d’un pré dont l’herbe était mouillée. Ce qui nous fit, nous les trois filles,  changer d’avis aussitôt. 

N’importe. On attendrait les garçons dans la voiture. Ils iraient cueillir et, plus tard, nous cuisinerions les champignons. 

La cueillette ne prit qu’une dizaine de minutes. Et nous reprîmes la route jusqu’à la maison des parents d’Aline, qui étaient absent. Nous y serions tranquilles pour nous éclater le cerveau. 

Suivant les indications de Fabien, nous commençâmes pas une infusion infâme, à base de champignons cuits. Un goût de terre mêlé d’une amertume infecte, et un arrière goût de vase réchauffée au soleil. C’était imbuvable, mais enfin, puisque pour l’expérience, il le fallait. 

L’infusion bue, nous décidâmes de nous asseoir dans le canapé, devant la télévision, pour attendre les premiers effets. 

Une heure passa. Aucun effet.

L’infusion avait dû être trop légère. 

Afin de rentabiliser l’effort de la cueillette, Fabien proposa qu’on en mangeât crus. Que risquait-on, après tout? Il avait déjà vu son frère le faire. Nous en mangeâmes quelques uns. Moi, seulement un. J’avais déjà des remontées d’infusion, et le goût de moisi était si infect que j’en avais des spasmes et que j’eus un mal de chien a l’avaler. 

Nous patientâmes une heure encore, pendant laquelle nous nettoyâmes la maison, tous à une tâche spécifique, afin de ne laisser aucune trace du délit. 

Aucun effet. Il fallait à présent trouver une occupation plus grisante, parce qu’enfin, les champignons soi-disant hallucinogènes, c’était bien de la merde! Ou alors, ce con de Fabien avait confondu avec des cèpes. Les autres se foutaient de sa gueule, tandis que moi je commençais à lui crier dessus, parce que les seuls effets secondaires que je sentais poindre étaient une bonne diarrhée et des vomissements dignes de la plus grosse intoxication alimentaire. 

N’importe. Il ne fallait pas rester là. Les parents d’Aline allaient bientôt rentrer du travail. 

Aurélie nous rappela soudain qu’il y avait une fête foraine à trente kilomètres de là, et avec l’accord de Seb, puisque c’était sa bagnole, nous décidâmes de nous y rendre, pas encore résolus à passer une journée entière sans distraction majeure. 

Nous montèrent tous les cinq en voiture. Seb démarra en trombes, ce qui me fit gueuler parce que j’avais des haut-le-cœur. La route fut longue. Aline gueula souvent après Fabien, qui avait des bouffées de chaleur et qui ouvrait la vitre tant que le vent nous importunait fort à l’arrière. 

« Si seulement Seb roulait moins vite, aussi! », répondait Fabien. 

C’est vrai qu’il carburait comme un malade. Heureusement,  nous ne croisions aucune voiture.

Le trajet dura anormalement longtemps. On se demandait s’il ne s’était pas trompé de route. Il affirmait que non. Nous cherchions des panneaux indicateurs, mais il n’y avait absolument rien. Une ligne droite en pleine campagne. Sur des kilomètres. 

On s’engueulait dans la voiture. S’il allait moins vite, aussi, on verrait mieux les panneaux. Et on serait moins malades! Il ralentit. 

Nous roulions depuis une bonne heure. Le soir tombait. On était visiblement perdus. Je proposai de faire demi tour. Il était trop tard à présent pour s’entêter à rouler toujours tout droit. 

Nous regardâmes longtemps à droite, puis à gauche, pour trouver un croisement qui nous permettrait de rebrousser chemin. Il n’y avait rien. Une route étroite depuis des dizaines de kilomètres, bordée de fossés. La situation m’agaçait sérieusement. On fit encore ralentir Seb. Il voulait nous tuer, ou quoi? 

Soudain, un gros bruit de moteur couvra nos engueulades. C’est que l’on était en train de se faire doubler... par un vieux tracteur. 

Seb gueula comme un fou. On lui avait tant demandé de ralentir qu’un putain de tracteur allait plus vite que nous! De colère, il s’arrêta sur le bas côté, enclencha le frein à main et sortit de la voiture en nous donnant l’injonction de nous demmerder. Nous descendimes nous aussi, pour le persuader de reprendre le volant. 

Et grande fut notre surprise de réaliser... que nous n’avions pas bougé de l’endroit où Seb avait garé sa voiture quatre heures auparavant : en face de chez Aline! 

Le lendemain, Aline m’appela pour savoir si c’était moi qui avait nettoyé la grille du four, pendant le ménage. Oui, c’était moi. Et je m’étais donné beaucoup de mal, d’ailleurs, car ces putains de champignons l’avaient fort noircie à la cuisson. J’avais dû utiliser une éponge métallique et j’avais frotté comme une malade durant plus d’une  heure. 

« Quelle importance? », lui demandai-je.

Elle voulait savoir parce ses parents s’étaient demandé comment leur grille de four, habituellement peinte en noir, était soudain devenue grise.

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Commentaires
A
Ce "était soudain devenue grise" : a-t-elle frotté au point d'écailler l peinture ? <br /> <br /> (J'ignore si l'effet est raté, il est possible que je sois passée à côté d'une évidence !)
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A
Amusant d'imaginer cette troupe gueularde dans la voiture ! <br /> <br /> <br /> <br /> Je n'ai pas compris la chute...? (Cette histoire doit être trop immature pour moi ! Sourire)
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H
Délirant : tu fais dans le Thomson, à présent, toi qui jugeais cela si immature ?! hé !
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