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Val ...
1 juillet 2020

Sortir

(Nouvelle écrite dans le cadre d'un recueil de nouvelles écrit par une classe de quatrième, dont je reparlerai.) 

Le chat, étendu sur le rebord de la fenêtre, s’étire. Alangui par la chaleur des forts rayons de soleil traversant la vitre, il se lèche lentement le corps, à la façon féline. Il ronronne d’un plaisir calme, qui dérange à peine le silence de cette cuisine dont il est l’heureux prisonnier, seulement interrompu chaque heure par les cloches de l’église voisine. Le chat est paisible, dans le contentement de sa condition domestique, c’est à dire bien nourri et heureux de s’étendre à la fenêtre en plein midi, sous un rideau dégagé pour son confort, seul contact muselé qu’il a avec l’extérieur depuis le jour sa naissance. 

Dehors, un léger vent fait bouger la branche d’un arbre. Intrigué, le chat se redresse. Il observe le mouvement lent des feuilles qui dansent. Soudain, une animation bruyante attire plus haut son regard. Sur une branche plus élevée, des oiseaux s’agitent en battement d’ailes sonores. Le chat, joueur, se dresse alors sur ses pattes arrière et tente en vain de les attraper, tapant et griffant la vitre de sa patte avant. Inutile. Depuis sa prison dorée, il répond à leurs chants d’oiseaux libres d’un miaulement plaintif qui traduit sa grande frustration, et puis se recouche dans un dépit résigné. 

Soudain, il entend le cliquetis de la serrure: les maîtres reviennent. L’appel du dehors a supplanté ses craintes d’hier. Sans hésiter, il bondit et court aussi vite qu’il peut. Lorsqu’il atteint le seuil de la porte, il leur file entre les jambes à tout allure. La plainte aiguë de la maîtresse inquiète n’est rien quand il est question de liberté. 

 

***** 

 

Le chat a bien entendu qu’on l’appelait avec inquiétude. Plusieurs fois. Mais il est chat, et sa condition l’empêche d’obéir à un ordre humain. Il a flâné, guidé par ses curiosités. À présent, il joue avec une souris attrapée dans la haie de charmille qui longe l’église. Il sait, au son des cloches qui sonnent, qu’il ne risque rien, s’étant peu éloigné. La souris couine à chaque enfoncement de ses griffes en elle qui lui percent la peau. Parfois, il la relâche. Il se met alors en position de chasseur, lui laisse un peu d’avance, et enfin s’élance sur elle dans un saut agile. Il n’est pas cruel. Il joue seulement. Les chats prennent plaisir à torturer les souris. Il n’est pas sadique pourtant. Tout se qui s’anime et piaille quand il le mord l’amuse et l’entraîne à la chasse, voilà tout. 

Il fait chaud. Il abandonne enfin la souris inanimée. Il n’a pas vraiment faim et elle ne le divertit plus à présent qu’elle est morte. N’importe, jamais il n’avais pu s’amuser ainsi avec un animal vivant. Les jouets pour chat ont une couinement répété et pénible, et on n’en vient jamais à bout. Elles empêchent au chat de se savoir puissant. Un léger vent tiède lui caresse délicieusement les poils. Alors, las des jeux, il s’étend sur la pelouse fraîchement tondue et chauffée par le soleil, et se lèche comme avant le repos. Comme ce soleil est bon quand il n’est pas filtré par les carreaux d’une fenêtre! Tout est plus pur ici. Les couleurs sont plus vives, les odeurs plus variées, les jeux plus prenants. Que l’extérieur apporte de nouveauté et de félicité! 

Les yeux mi clos, éblouis de soleil et lourds de fatigue, le chat se sent ivre du bonheur infini de la liberté. Il est près de s’endormir, d’ailleurs. Lorsqu’il lui semble percevoir un mouvement autour de lui, comme une ombre légère qui tourne autour de sa tête et lui cache le soleil furtivement, par endroits. Il ouvre les yeux et relève la tête. C’est un papillon qui folâtre autour de lui. Il n’en avait jamais vu. Cela suffit à lui faire renoncer à sa sieste. Le chat se lève et pourchasse l’insecte, tentant de le capturer en bonds toujours insuffisants pour l’atteindre. N’importe, c’est un jeu. Le chat court dans les herbes hautes, goûtant les plaisirs de la chasse, enivré des joies immenses de sa liberté nouvelle. 

 

*****

 

Le jour recule lentement. Le chat épuisé est étendu sous le soleil descendant, dans les herbes qui bordent la route. Il peut sentir l’odeur des tournesols émanée du champ derrière le fossé. Tout comme il entend le chant des oiseaux, et, plus loin, le bruit, assourdi par la distance, du clocher. Il s’est donc éloigné. Il a un peu faim, mais il se sent si fatigué que, pour l’heure, la chasse lui est impossible. D’ailleurs, il est étourdi. Ses yeux se ferment comme malgré lui. Il ne sait plus très bien comment il est arrivé là. Il marchait sur ce sol dur qui lui brûlait les coussinets quand un bruit terrifiant l’a fait sursauter. Affolé, il a couru. Quelques chose à tapé fort contre sa tête. Il a poussé un cri plaintif et aigu. Et puis, il a juste eu le temps de se cacher là, dans les herbes hautes. N’importe, il est heureux. Il agonise seul et à l’abris des regards, comme le font les chats libres.

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Commentaires
A
Le couillon qui pique mon identité peut-il s'abstenir ?<br /> <br /> Ou alors je ne passerai plus par ici…
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V
Pardon Alain. Je n’ai pas été très claire. C’est mon texte dans un recueil où chaque élève de la classe publié le sien.
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A
Quel joli texte, de belle qualité.<br /> <br /> Qui plus est il raconte une histoire qui peut donner à réfléchir.<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai une question de compréhension : <br /> <br /> C'est TON texte dans ce recueil ?<br /> <br /> Où c'est un travail collectif de la classe dans le cadre d'un recueil de textes de plusieurs classes par exemple ?
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J
Bonjour Val,<br /> <br /> Il est essentiel de se trouver parfois à la place de la victime :)<br /> <br /> Bien écrit, on imagine parfaitement la scène, bravo.
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