Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Val ...
5 janvier 2008

Il vieillit

Il vieillit, ça se voit. Il vieillit lentement, mais sûrement. Il vieillit mal certains diraient.

Le déclin ? Je déteste ce mot. Son déclin n’est pas physique.

Physiquement, il ne change pas vraiment. Mon papy était déjà vieux quand j’étais enfant. Il a toujours été vieux, pour moi.

Grand, carré, les cheveux blancs, la tenue idéale pour jardiner…

Il vieillit, par moment c’est à peine perceptible, et à d’autres, on ne remarque que ça.

Une douleur à la hanche, une autre à l’épaule. Papy ne va plus chercher le pain à pied depuis deux mois. Il se le fait apporter. Il conduit encore, et il n’est pas malade. Il ne prend pas dix comprimés par jour, il ne perd pas la tête, et pourtant, il vieillit tellement…

Il a drôlement changé, depuis Noël dernier ! Ce n’est plus le même. Il vieillit…

Le jardin n’est plus ce qu’il était. On peut comprendre. De toute façon, il est tout seul, comme il dit, alors…La moitié du jardin est à l’abandon. L’année dernière, les trois quarts étaient encore cultivés. Il ne peut plus assumer, j’entend bien, mais…

Il ne prend même plus la peine de nous le faire visiter. C’est terrible…

C’était la première fois de ma vie que je lui rendais visite sans visiter le jardin.

Il vieillit mal. Il vieillit seul. Il vieillit isolé.

Il n’a pas fêté Noël. Première fois. Aucun repas du dimanche midi. Toute invitation déclinée. Il n’a pas eu envie…

Il vieillit mal, et parfois quelques reproches sont lancées.

On appelle moins, on écrit pas, on vient en coup de vent, on ne reste pas longtemps…

Evidement !

Il n’appelle pas. Cette année, pour la première fois, il a oublié les anniversaires des enfants, et des grands. Il n’a pas répondu aux lettres et photos envoyées. D’ailleurs, des photos, il n’en a plus. Enlevées. Supprimées. Retirées.

Ça me choque, et il répond que les cadres, ça lui demandait trop de travail de les dépoussiérer. Sympa !

Une femme de ménage ? ça serait une bonne idée ! Il ne s’y résout pas. Il préfère encore tout retirer, même sa vie, même ses objets familiers plutôt que de se faire aider.

On ne reste pas longtemps, évidemment. C’est une corvée ? La visite, c’est une corvée ?

Non, mais…

Rester ? Pourquoi ? Il ne regarde plus les petits. Il ne parle plus du jardin. Il ne semble pas vouloir nous garder à manger (et c’est pas un problème de travail, on le ferait…).

Rester pour quoi ?

Pour qu’il rumine à haute voix son fil qui n’est pas revenu depuis trois ans, ses petits enfants qui l’oublient et n’appellent pas…

Déjà, en novembre, j’avais écouté, en silence, ses complaintes. Là, je n’ai pas pu. J’ai parlé.

Est ce qu’il a pensé que peut être certains pouvaient être vexés qu’il ait oublié anniversaires, fêtes, dates importantes ? Qu’il ne les appelle jamais ? Que quand eux appellent, ils n’entendent que des reproches injustifiées ?

-     Je n’y pense pas. Ce n’est pas à moi de les appeler.

-         Mamie appelait…

La voilà, la vraie raison !

Depuis que notre grand-mère est partie, la vie s’est arrêtée. Elle appelait, invitait, s’entourait d’enfants et de petits enfants. Il n’a pas pris la relève. Il ne fait aucun effort (il n’est pas malade pour un sous), même pas celui de nous faire la conversation.

Plus de cadre, plus de photos, plus de fleurs, plus de jardin, plus de téléphone, plus de communication, plus d’anniversaires, plus rien !

Et il dit que ses enfants l’oublient. Il ronchonne. Il est devenu… très désagréable.

Cette maison, triste, dénuée de toute vie, elle me donne les larmes aux yeux.

Chez nous, point de patriarche. Ma grand-mère était le moteur de la famille. Elle n’oubliait jamais rien, elle. Elle faisait des efforts pour nous réunir. Elle s’activait, derrière le rideau (apparemment, puisqu’il ne semblait pas en avoir conscience vraiment).

Elle est partie, et il n’a pas repris le flambeau. Il a tout laissé tombé, tout oublié. On vient moins, mais il n’invite pas…

C’est pas à lui de le faire !

Très bien, c’est à qui, alors ?

Je sais, mes mots sont durs, mais quand je l’entend parler, lui qui dit que les enfants le laissent tomber, j’ai envie de hurler. Elle est partie, et il tue son souvenir petit à petit. Il détruit ce qu’elle aimait à petit feu. La maison, qui était accueillante et familiale n’est plus que le repère d’un ermite ronchon. Et c’est pas plaisant pour deux sous…

Ça fera quatre ans cette année qu’elle est partie, et elle a emmené l’esprit de famille avec elle. 

Publicité
Publicité
Commentaires
V
Fabeli, je sais bien qu'il souffre. Il a de la peine. Il ne se console pas. <br /> Par contre, il saurait faire, si il voulait s'entourer. Il ne veut pas, je crois... il s'enferme dans son chagrin.
Répondre
F
il me semble en te lisant que ce viel homme souffre sans "savoir" le dire. En partant pour toujours ta grand mère a emporté l'esprit de la maison et de son dernier occupant. Elle faisait tout, lui, il pense peut-être qu'il ne sait rien faire. C'est douloureux pour tout le monde.
Répondre
L
ma soeur lui a soufflé !
Répondre
V
Il a compris ça tout seul? qui lui a soufflé?
Répondre
L
C'est tellement vrai ! Le "Mamie appelait" tellement facile et reposant de se reposer sur une femme ! Mon père est mort le premier, mais j'imagine que si il était resté seul il aurait aussi usé de cette excuse : "ta mère y pensait, ta mère faisait des cadeaux et appelait"...<br /> Et oui souvent on vieillit mal... Certains comme le beau père de ma soeur, pourtant apprennent bien les leçons... Il a compris qu'il devait appeler pour les anniversaires, et répondre aux cartes de voeux !
Répondre
Visiteurs
Depuis la création 162 060
Publicité
Publicité