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Val ...
27 novembre 2020

L’homme aux cercles bleus, Fred Vargas

Je n’avais jamais lu Fred Vargas. En revanche, j’ai lu quelques critiques très négatives de ses romans. Je me suis cependant efforcée d’appréhender celui-ci sans apriori. Si le roman policier est largement considéré comme un genre mineur, c’est que les auteurs, généralement, n’y excellent pas, ce qui me dissuade toujours un peu d’en lire. Qu’on m’en conseille un excellent, et je le lirai.

Autant le dire tout net : je ne lirai plus jamais Vargas. Tout y est négligé, bâclé, mal raconté, invraisemblable, et le tout sans aucun style. 

Adamsberg vient d’être nommé dans un nouveau commissariat parisien après des exploits en province. Il n’a aucune méthode : tout à l’intuition. Il ne réfléchit même pas, il « ressent ». Sa première enquête, on ignore au juste pour quelle raison il l’ouvre. Un homme dessine des cercles à la craie la nuit sur les trottoirs dans Paris. Sans meurtre, sans menace, sans rien d’inquiétant à première vue. Mais lui, le devin commissaire, il sait bien que ça ira plus loin. Et il est le seul à le savoir, par un effet de magie sans doute. Non : l’instinct. Un truc bestial, une sorte de flair que l’auteure lui prête, à la façon des animaux. Il ignore pourquoi il le sait, mais c’est comme ça. Alors, il enquête sur de vulgaires dessins à la craie. On pourrait se poser la question de sa hiérarchie et de ses collègues. Comment laisserait-on un commissaire envoyer des équipes pour photographier et relever des preuves sur des dessins à la craie ? Mais non, ça étonne juste son second couteau, Danglard. Tant pis, il obéit. On ne refuse rien à son commissaire, n’est-ce pas ? Cependant, Danglard est décrit comme un personnage intelligent et réfléchi. Surprenant tout de même qu’il se laisse entraîner dans des enquêtes sans crimes ! 

Mais admettons. Je veux bien, après tout. Je suis indulgente. L’instinct, l’intuition me gênent pourtant. Quand ils sont supposés mystérieux, magiques, presque mystiques. Non, même l’intuition est explicable et tout à fait rationnelle. Ce que l’on nomme généralement intuition ne peut être qu’une sorte d’analyse inconsciente et rapide après observation. L’intuition est une faculté de l’esprit à rendre un premier jugement immédiat, plus ou moins fondé sur des expériences antérieures, sur des connaissances psychologiques quand il s’agit d’appréhender un individu. Le « flair » aveugle est un folklore, une facilité éhontée qui évite de donner des explications. 

Bien évidemment, Adamsberg avait raison. Bientôt la police retrouve un cadavre dans un cercle, puis un autre, et enfin un troisième. Et il l’avait deviné. Non pas que le crime, mais la date et l’heure des crimes suivants. Comment ? On l’ignore. Il faut une bonne dose d’indulgence pour avaler ça encore. À aucun moment, le lecteur ne reçoit obligeamment ne serait-ce qu’un début d’explication, qu’une piste qui lui aurait permis de deviner lui aussi. Du fait, le lecteur ne participe pas. Il n’a d’autre choix que de se laisser porter, bercer et berner dans une histoire invraisemblable. Et il trouve cela acceptable, reposant même sans doute. Il n’a rien à élucider, rien à réfléchir. 

Le dénouement est tout aussi consternant. J’ignore comment on peut oser une telle énormité ! Évidemment, ça surprend le lecteur. Comment aurait-il pu deviner une chute aussi improbable ? Mais n’est-ce pas ce qu’un lecteur classique a finalement envie de trouver dans le peu de romans qu’il ouvre ? Il se fiche de vraisemblance. Il est complaisant. D’ailleurs, a-t-il la moindre idée de ce qui est plausible ? Il veut être surpris, diverti, et pouvoir dire, et même fièrement : « Ah ! Je n’aurais jamais pu deviner ! Bien joué ! J’ai été surpris ! Je n’ai rien vu venir ! ». Moi, je trouve cela fâcheux. C’est en quelque sorte prendre son lecteur pour un idiot que de ne pas lui donner des clés plausibles afin qu’il puisse lui aussi tenter de deviner le meurtrier, de résoudre l’enquête. Non, on lui sert une fin sans queue ni tête, qu’il n’aurait logiquement pas pu deviner, puisqu’elle n’a rien de crédible, et cela semble lui convenir. Cela m’a fait songer à un menu de restaurant. Vous commandez des huîtres puis du canard, et vous choisissez un dessert surprise. Vous avez payé le menu. Et on vous apporte un pot de pâte à tartiner premier prix avec une petite cuillère. Vous sentez l’arnaque, vous avez payé cher. N’importe, on vous répond : « Ah ! Vous ne vous y attendiez pas ? Vous ne l’avez pas vu venir ? Alors c’est une réussite ! ». Scandaleux, non ? 

Toute possibilité de s’interroger sur des indices, des preuves confondantes, des mobiles évidents est empêchée. Et on n’aura guère d’explications sur la façon dont le commissaire s’y est pris. Il est touché par la grâce, voilà. Ça ne s’explique pas. C’est à prendre ou à laisser. 

Ajoutons à cela une police scientifique des années 1990 incapable de déterminer des choses aussi simples que de l’ADN dans un gant, ou si un corps a été déplacé ou non. 

Au surplus, une sorte d’histoire d’amour en parallèle qui n’est guère plus crédible, des personnages secondaires aux talents extraordinaires également - une aveugle dresse des portraits psychologiques des gens qu’il rencontre juste au son de leur voix. Chacun des personnages d’ailleurs est une sorte de caricature, dotée d’une personnalité improbable, décalée, tout en excès. Des stéréotypes en sommes. 

Je peux entendre qu’on ne soit pas calée en criminologie. Cependant, en ce cas, doit-on écrire des romans policiers ? Et tant bien même on n’y connaît fichtre rien et qu’on veuille quand même en écrire, le minimum serait de soigner le style, d’organiser son récit de manière fine, même au détriment de cette sottise de surprise finale. Je me souviens avoir lu, il y a longtemps, « Œdipe roi » de Didier Lamaison, publié en série noire. C’est un polar qui reprend le mythe, en somme. J’y songe justement parce que ce roman ne comporte pas ce suspense final, puisqu’il reprend le mythe sous forme d’enquête policière. Qui ignore qui est le meurtrier ? Absolument personne. Et pourtant, c’est un très bon roman policier, parce que bien construit et au style impeccable et audacieux. 

Faut-il parler du style de Vargas ? Des dialogues pénibles et inutiles, aucune volonté de faire du beau, aucune subtilité, des répétitions. Tout est survolé. Tout est confus, à peine organisé, très mal construit. On dirait une sorte d’improvisation. 

C’est scandaleux, vraiment, et jusqu’à l’indignation, qu’un auteur et un éditeur vendent des récits aussi insipides.

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Commentaires
M
On lit Vargas, on regarde BFMTV, on écoute Goldman, on mange McDo… Triste monde qui se contente de merdes !
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M
Ne donnez pas une seconde chance à Fred Vargas, laissez ceux qui s'échinent dans cette page de commentaires à leurs délires, lisez ou relisez un bon "polar" : La Bête humaine de Zola.<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai mis des guillemets à "polar" parce qu'on ne peut pas réduire La Bête humaine à un polar, mais on peut dire que le polar est l'une des facettes de ce livre admirable.
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D
Rapprocher Henry War d'Alain Soral (ce que fait plus haut "un lecteur"), est-ce juste ? Je m'interroge réellement.
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:
Passons sur les interprétations dans lesquelles vous vous fourvoyez (surtout Henry War), je maintiens mes suggestions, qui sont des suggestions de sujets d'articles et non des conseils de lecture, pour faire suite à ce dernier article sur Vargas.
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E
"Bref une autre époque" : oui c'était du temps où toi val tu montrais des photos des enfants, où tu parlais des travaux de ta maison et des choses diverses du quotidien, c'était du temps où tu avais des copinautes... et même que tu répondais avec des smileys ! ;-)
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