Partage
On aurait voulu l’interroger sur ses ressentis, elle n’a parlé que de division. Une voiture chacun, ça , c’est facile. Elle garde la maison. Priorité aux enfants.
Ils ont fait des lots pour les objets. Séparation. Et le lot des chagrins, alors ? Comment l’ont-ils morcelés ? Egalement, injustement, équitablement ? ça ne se mesure pas.
Chacun sa part, c’est comme ça. Et la part de rêves, on l’oublie. Elle n’est pas partagée, cette part là. Epuisée, usée, obsolète, ils l’ont jetée à la poubelle. Chacun sa moitié, mais plus de moitié pour l’un ni pour l’autre.
Ainsi soit-il.
On fractionne tout, même les enfants. Partage des enfants. Le plus cruel, le plus injuste, sûrement.
On a parlé passade, caprice, déprime. Elle a répondu irrévocable, décidé, arrêté, définitif.
Les dés ont été jetés. Le résultat a été observé. Tant pis. Elle ne rejouera pas. Elle n’a plus envie d’une autre partie. Mare de perdre, peut-être, ou peur de ne pas gagner.
On aurait pu lui dire, mais on a préféré se taire. On a pensé, chacun de notre coté, à la même chose. On n’a pas parlé. Après tout, ça n’aurait servi à rien. Chaque histoire est singulière.
C’est pour ça, qu’on a rien dit ? Ou c’est pour ne pas casser la belle image de ceux qui s’entendent bien dans la perfection absolue ? Il y a un peu des deux, peut-être. Et puis, de toute façon, notre virage à droite à nous ne s’est fait qu’à deux, pas grâce à une aide extérieure. S’ils veulent le prendre, ils le prendront seuls, sinon c’est qu’il doit en être autrement.
Il y a trois ans (trois ans déjà), nous étions dans la même situation. Presque.
Après les fêtes, elle a fait ses valises comme je les ai faites, avec bébé Gabriel sous le bras.
Nous aussi, on a failli partager.
Après les pleurs, les négociations, les heures passées à parler, à se serrer fort, à réfléchir, à ne pas dormir, à le voir sombrer, mes bras n’ont plus eu la force de porter la valise plus loin qu’au delà du seuil de la petite maison percheronne. J’ai préféré aller la ranger, à bout de bras.
Après ça, on s’est aimés plus fort.
Depuis ça, on s’aime plus fort, plus sage, plus confiant.
Pourquoi ça ne fait pas toujours ça ? C’est le mystère des relations humaines.
La magie du charme amoureux n’a pas fonctionné, pour eux. C’est comme ça.
On lui a dit, à demi mots, que parfois la vie était étrange… Je savais à quoi il pensait. Il savait à quoi je pensais. On pensait à nous-même. Après l’orage, l’arc en ciel pourrait les éclairer plus fort encore, et des plus jolies couleurs. Et derrière l’arc en ciel, parfois, c’est sensationnel. Il suffit d’attendre, de continuer à regarde dans la même direction, même si c’est douloureux. Même si les concessions sont loin d’être évidentes.
Décidée, sûre de son choix, elle regarde déjà dans une autre direction.
Impuissant, il la regarde s’en aller.
Ainsi soit-il.