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Val ...
24 mars 2008

Une simple phrase

A l’improviste, alors que je pensais certainement à des choses très terre à terre, une phrase s’est immiscée dans mes pensées accidentellement. Je ne me souviens plus des circonstances exactes de son arrivée inopinée, mais je peux tout à fait les inventer à l’identique. Parfois, ce n’est pas tant la vérité qui compte, mais la conformité avec ce qui aurait pu être.

Admettons !

Disons que je conduisais, si vous le voulez bien. Ou alors que je triais mon linge sale. Et paf ! La phrase ! Comme un éclair ! J’ai prononcé une phrase simple (sujet, verbe, complément) mentalement. Une phrase bien anodine mais qui n’avait strictement rien à voir avec mon activité ni mes pensées du moment.

Je ne me souviens plus exactement de la phrase, mais qu’importe ! Une phrase en vaut une autre et je peux très bien vous en donner une de mon choix en exemple. Disons que mon inconscient, ce jour là, a dit : « La voiture roulait à toute allure vers le Sud ».

Non ! Changeons là ! Une autre ! Une autre ! Car évidement si vous vous êtes imaginés que je conduisais quand elle est venue s’immiscer dans mes idées vous allez songer à une progression naturelle de ma pensée. Je conduis, alors je pense à une voiture qui roule ! Manquerait plus qu’il fasse soleil et que je roule au delà de la vitesse autorisée, et vous criez « Euréka » !

Choisissons une autre phrase simple en évitant également qu’elle ait un rapport avec du linge, de la lessive ou des couleurs, ou du tissus.

« Le pauvre vieillard s’était assoupi dans son fauteuil après le diner. »

Celle-ci fera très bien l’affaire. Et ne me dites pas que j’avais sommeil ! Non !

Le message transmit par mon cerveau n’avait aucun rapport avec mes ressentis ou sentiments du moment. Il m’est arrivé inopinément et sans aucune raison apparente. Point !

J’avoue que j’ai été un peu surprise de cette perte de contrôle sur mon disque dur interne, comme ces fenêtres qui s’ouvrent instantanément et qui viennent couvrir la page web que l’on est en train de consulter. Ma foi, ça ne m’a pas confondue outre mesure. Tout comme je l’aurais fait devant mon écran, j’ai utilisé ma souris virtuelle et j’ai cliqué sur la croix en haut à droite pour me débarrasser de ce petit écart dans le cheminement logique de mes pensées les plus pragmatiques.

Et la tâche que j’étais en train d’accomplir a occupé mon esprit de plus belle.

Je n’ai plus repensé à cette phrase du tout. Au moins pendant une bonne trentaine de minutes, et puis elle est revenue alors que mon activité avait changé entre temps. La même ! Strictement la même !

« Le pauvre vieillard s’était assoupi dans son fauteuil après le diner. »

Etrange… J’ai commencé à trouver ça très étrange ! Pourquoi cette phrase très quelconque me revenait-elle en force ?

« Le pauvre vieillard s’était assoupi dans son fauteuil après le diner. »

Je ne pouvais plus me concentrer normalement ni même effectuer la moindre tâche sans qu’elle me harcèle.

Ranger l’aspirateur et  Le pauvre vieillard s’était assoupi dans son fauteuil après le diner

Dîner : salade, poulet, Le pauvre vieillard s’était assoupi dans son fauteuil après le diner ,  pommes de terres.

Liste des courses : vinaigre, moutarde, sel, lait, jambon, Le pauvre vieillard s’était assoupi dans son fauteuil après le diner,

Cette phrase somme toute inoffensive et bien innocente me revenait à intervalles réguliers comme une obsession. Elle me tapait le crâne au niveau des tempes comme une migraine épouvantable.

J’ai alors pensé que mon cerveau était en manque. En manque de mots, de lecture et d’écriture! Et que, n’ayant pas d’autre moyen que ce martèlement pour me le faire savoir, il s’acharnait à me répéter cette maudite phrase pour me faire réagir.

Ça ne pouvait plus durer ! Le pauvre vieillard s’était assoupi dans son fauteuil après le diner ! Il fallait que cette phrase, lancinante et torturante à la façon des refrains que l’on garde parfois en tête quitte mes pensées définitivement.

Il me fallait ruser pour la piéger.  L’ignorer ? La remplacer par une autre ? La faire taire par le sommeil ? J’ai pris partis de traiter le mal par le mal ! Ah, ma raison voulait de la phrase ! J’allais lui en donner ! Et Le pauvre vieillard s’était assoupi dans son fauteuil après le diner .

J’ai allumé la machine qui, telle une chatte, ronronne tant quand elle est sollicitée. Je l’ai caressée. J’ai joué avec elle et sa souris en plastique. Elle m’a racontée des histoires en images. Elle m’a offert quelques textes frais et grisant. J’ai cru m’être débarrassée, par ce subterfuge, de cette poignée de mots devenus imbuvables. Le pauvre vieillard s’était assoupi dans son fauteuil après le diner .

Le pauvre vieillard s’était assoupi dans son fauteuil après le diner .

Le pauvre vieillard s’était assoupi dans son fauteuil après le diner .

Le pauvre vieillard s’était assoupi dans son fauteuil après le diner .

AAAAAAAAAAAAAAh ! ASSEZ ! ASSEZ !

Après quelques minutes épouvantables à vociférer mon agacement et toute ma crispation, j’ai relevé les manches de mon cardi (hihi) , bien déterminée à la provoquer en duel ! Ce serait elle ou moi !

J’ai ouvert mon logiciel de traitement de texte d’un geste sûr, fermement décidée à mettre fin à cette torture, quitte à y perdre ma raison une bonne fois !

Et je l’ai tapée…

Le pauvre vieillard s’était assoupi dans son fauteuil après le diner .

J’ai choisi une belle police. J’ai fait divers essais de taille de caractères. J’ai tranché pour l’italique et le gras, pour lui donner le poids et l’importance auxquels elle aspirait. Une fois satisfaite de ma mise en forme, je l’ai relue.

Le pauvre vieillard s’était assoupi dans son fauteuil après le diner .

Je l’ai relue et alors j’ai compris. J’ai eu une vision. J’ai vu. J’ai senti.

J’avais été ensorcelée. Envoutée ! Je n’ai pas tenté de me défaire de cette emprise divine. A aucun moment je n’ai résisté à l’appel. Je me suis sentie importante et précieuse comme jamais. J’avais été choisie. Je faisais partie de la poignée d’élus.

Mes doigts se sont activés et ont frappé le clavier avec une dextérité déconcertante. Les joues rouges de désir, les yeux embués par l’émotion, le corps frissonnant d’enthousiasme, j’ai écrit jusqu’à l’épuisement. J’avais l’impression de me vider un peu plus à chaque choc entre un de mes doigts et une touche. Je perdais à la fois mon sang, mes muscles, mon âme et ma raison. Mais tant pis ! J’étais fermement enchainée à ce clavier et à ce texte qui prenait forme je ne sais comment. J’avais l’impression qu’il m’était dicté par un esprit supérieur ayant pris possession de mon corps et de mon entendement.

Je ne me souviens pas des signes avant coureurs de fatigue. Je n’ai pas le souvenir de m’être assoupie. Pourtant, quand je me suis réveillée, les traces des touches du clavier étaient empreintes sur la peau de ma joue gauche.

J’ai relu mon écrit de la veille au soir, et j’ai pleuré.  A chaudes larmes ! Jamais un texte ne m’avait semblé si parfait.

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Commentaires
V
Vous êtes adorable :D .
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J
non bien sur! mais il est source de si beaux textes...
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V
Ha ha ha !<br /> Mais Sylvie ce texte est "pour de faux". Jamais il ne sortira de ma cervelle de moineau. Mais il est vrai que parfois je pense à un texte que fera un bon billet et je ne suis soulagée que lorsque que je l'ai écrit.
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R
j'avais du retard.. alors je m'attarde<br /> moi aussi des fois j'ai une obsession qui ne trouve le repos que couchée sur la papier..;<br /> j'aime bien cet état d'excitation de la conception...<br /> j'attends ton résultat avec impatience.
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V
Une km? C'est quoi?<br /> <br /> jpbg, rassurez-vous! Heureusement pour lui, il n'existe pas ;).
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