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Val ...
25 mars 2008

Un soir…

Un soir, à la maison, il y a plusieurs mois. J’avais invité quelques couples d’amis pour fêter je ne sais plus très bien quoi. Aucune importance, les occasions sont nombreuses et parfois même on en invente .

La soirée se passe bien même si l’apéritif s’éternise un peu. On discute, on parle de nos vies, de nos emprunts immobiliers, des enfants. Certains racontent leur épanouissement professionnel, d’autres cherchent leur voie, un ou deux sont en reconversion…

Ça fait du bien, d’exprimer ses doutes. On compare nos vies. On les pose à plat sur la table du dîner comme un jeu de tarot, et plus la soirée avance et plus on retourne de cartes. La vie des autres se dévoile petit à petit.

Dans ces soirées là, au début tout le monde va toujours bien, et n’a pas de tourment outre mesure. On arrive. On est heureux de se retrouver. On n’ose pas. Petit à petit les langues se délient. Untel est malheureux dans son travail, tel couple vient tout juste de surmonter quelques difficultés, telle maman s’inquiète pour les difficultés d’apprentissage de son enfant…

On les connaît depuis deux ans environ. Ce sont nos amis d’ici. On s’est vite attaché à ce groupe. Nous sommes tous des réfugiés, en quelque sorte. Nous n’avons jamais réussi (a-ton essayé, au moins ?) à nous faire des amis originaires d’ici. Ils sont tous plus ou moins parisiens, ou normands, ou ile de franciens, ou de plus haut. De toutes façons on est tous des parisiens, il paraît. Une ou deux fois des charentais nous ont dit « vous êtes de Paris, vous ! ». heu.. nous ? Pas vraiment ! Nous sommes du Perche. On vient de l’Orne. « Oui, ben c’est pas loin, tous ça ». ( ???).

La soirée suit son cours, et l’ambiance et l’alcool et la joie délient les langues. Les volets fermés, les lumières tamisées, les odeurs de cuisines, les enfants couchés, le petit verre de vin… Toutes les conditions sont réunies pour se confier un peu plus. C’est une soirée entre trentenaires actifs papas-mamans, de ceux qui aiment encore faire la fête mais qui la font en lieux clos avec berceaux et tables à langer à disposition.

Parmi nous, il y a un couple que l’on aime particulièrement. Des parisiens (oh, c’est vague ! Des parisiens plutôt normands, ou plutôt du plutôt Picards ?).  Non, cette fois, des parisiens d’Ile de France. Ils sont ici depuis quatre ans. Ils ont migré à la fois pour des raisons professionnelles, mais aussi pour la qualité de vie (immobilier, climat, mer..). Eux, on les aime beaucoup pour leur humour. Toujours le mot pour rire, pas lourd, mais juste. Ils sont toujours de bonne humeur. Leur couple est un bel exemple. Ils sont heureux et amoureux. Leur couple a quatorze ans, et ils ont deux enfants, mais ils disent en plaisantant qu’ils attendent d’être sûrs pour se marier.

Lui a toujours le sourire. Il est cultivé et intéressant. Très blagueur. Elle un peu plus réservée, mais les blagues de son mari la surprennent toujours. On les aime, quoi !

Leur vie est tranquille. Ils sont heureux. Chouette ?

Manu, la semaine précédente, avait vu un accident sur la voix rapide (enfin, il été arrivé juste après, et pas moyen de passer. Obligé d’attendre que les secours sortent les gens du véhicule). Un truc glauque. Il y pensait encore. Un camion qui avait perdu son chargement. Une voiture qui avait voulu éviter les matériaux tombés. Dedans, une jeune femme et son bébé à l’arrière. L’horreur. Ces images l’avaient fortement chahuté et lui reviennent encore parfois. Manu ne raconte jamais à un groupe d’interlocuteurs ce qui peut l’émouvoir ou le toucher, ou le malmener. Mais là, allez comprendre… l’ambiance ? Le deuxième verre de bordeaux ? Il en a parlé longuement, et, bien que surprise, j’ai été heureuse qu’il pose des mots sur ses démons nouveaux.

Est-ce les confidences de mon mari qui l’ont incité à se confier ? Le verre de rouge lui aussi ? Il a pris la parole, sous l’œil rond et incrédule de sa compagne.

Ils revenaient de vacances, six ans plus tôt. Ils roulaient à 130 km/ heure sur l’autoroute des retours, vers Paris. Il conduisait. Elle était assise à coté. La petite dormait à l’arrière. IL ont vu au loin deux silhouettes. Il faisait jour mais il pleuvait un peu. Ils se sont demandés pourquoi les gens étaient sortis de leur voiture. Sur l’autoroute. Mais ils ne se sont pas inquiétés parce qu’ils semblaient être sur le coté. Il suffisait de faire un petit écart au cas ou.

Ils roulait à la vitesse autorisée. L’une des deux silhouette s’est engagée sur la voix. A pied. Il a freiné tout ce qu’il a pu. IL a appuyé sur son frein de tout son poids. Le choc a été terrible. La personne est venue taper contre son pare brise. Ils ont entendu son corps taper contre le toit de la voiture.

Le poste de secours n’était qu’à quelques mètres et tout a été rapide après. Il ne se souvient plus.

Elle l’a écoute attentivement (comme nous tous) depuis le début. Elle, elle se souvient, alors elle prends la suite. Il était étendu dans son sang vingt mètre derrière leur voiture. Inerte. C’est elle qui a été interrogée parce que lui était bien trop choqué. Et puis, ça circulait ce jour là alors il y avait plein de témoins. Tout le monde s’est accordé à dire que le monsieur a tenté de traverser l’autoroute, un jerricane à la main, et que c’était une folie pure. Les gendarmes l’ont rassurée comme ils ont pu. Leur voiture ou une autre, il n’avait aucune chance de traverser les deux voix indemne. C’est tombé sur eux et puis c’est tout ! Leur voiture d’ailleurs… était rouge de sang. Le pare brise était cassé et le toit renfoncé à plusieurs endroits.

Dur ! Lui a refusé une aide psychologique après cela. Ils ont essayé d’avoir des nouvelles. Quelques jours plus tard c’était écrit dans un quotidien régional. La personne était décédée à l’hôpital quelques heures après. Il avait été renversé sous les yeux de sa compagne. Il avait un enfant…

Depuis six ans, lui se repasse le film fréquemment, avec des SI. Mais pourquoi n’a t’il pas pris la passerelle, deux cent mètres plus loin, ou appelé un dépanneur ? Comment a t-il pu croire qu’il pourrait traverser l’autoroute ? Il n’a jamais oublié son nom et son prénom. Ils viennent souvent le hanter.

Nous sommes restés un bon moment tous ébahi par cet aveu. D’ailleurs, la soirée n’a plsu été pareille, après… Chacun a dû y repenser …

Lui si plaisant, drôle, tout sourire, des fantômes les hantent, et jamais il n’en parle. Plus tard sa compagne ma dit que même entre eux cette histoire était taboue. Elle a été très surprise, ce soir là, mais depuis, apparemment, il est soulagé d’en avoir parlé une fois. En six ans !

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Commentaires
V
Moi aussi, Samy, je ne pourrais pas me passer de ces petites soirées :D .<br /> <br /> Le Chat, merci :D .
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L
il devait se sentir bien chez vous pour dérouler (enfin) le fil de cette histoire culpabilisante...<br /> voilà ce à quoi j'ai immédiatement pensé à la lecture de ton billet... puis j'ai eu une autre pensée : oui, tu écris bien, très bien même... alors courage & assurance pour ton projet :-)
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S
Nous avons rarement l'occasion de participer à ce genre de souper entre amis. Avec les enfants et le travail de mon mari (il travail le soir) c'est souvent difficile... Mais j'aime bien partager un repas ou une soirée avec d'autres. C'est parfois rassurant d'entendre l'expérience des autres. Étrange et surprenant aussi ce que certains peuvent dévoiler...<br /> À bientôt
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V
Miss Line, c'est peut-être plutôt la remise en cause, qui aide à avancer, non? ;). <br /> <br /> Tic@ tu as tout à fait raison.
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T
tuer quelqu'un, ça peut tous nous arriver... c'est ne pas se sentir assassin qui compte pour s'en remettre.
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