Le Dindon (Georges Feydeau)
Je lis peu de théâtre. Une pièce par an, guère plus. Et je me suis promis d’en lire plus, moi qui aime jouer au théâtre, en amatrice et pour rire, je me dois d’en lire afin de savoir juger de l’efficacité d’une pièce. Entre autres, car ce n’est pas la raison première de cette résolution. C’est que dans mes lectures, j’ai trop négligé le théâtre, tout comme la poésie et les essais d’ailleurs, au profit de romans. Et qu’à présent je réalise que j’ai eu tort, dans le sens où la littérature ne se limite pas au roman.
Cette pièce se déroule en trois actes. Dans trois lieux différents, où une quinzaine de personnages (couples, valets et bonnes) sont confinés.
L’histoire est simple - et trop complexe à la fois pour un résumé exhaustif - : les Vatelin sont mariés et s’aiment. Redillon, ami de Vatelin, courtise sa femme depuis longtemps. Pontagnac, coureur des jupons, suit Lucienne Vatelin jusqu’à chez elle et découvre qu’elle est l’épouse de Vatelin, son ami. Lucienne se fait la promesse de tromper son mari par vengeance si, un jour, il la trompe. Tout s’emballe avec l’arrivée de la maîtresse que Vatelin a eue lors d’un voyage en Angleterre. Reste à savoir qui, dans ces histories de coucheries entremêlées, sera le dindon.
Cette pièce réunit tous les critères du Vaudeville. Elle met en scène bourgeois et serviteurs sans talents, dont les actions sont peu conséquentes (adultère, désir de vengeance d’une femme trompée, etc).
Les personnages sont piètres, sans grand intérêt, et sans aucune profondeur. Ils sont simplement placés là pour l’intérêt des rebondissements, et parce qu’ils sont pris dans une spirale de quiproquos et d’accidents qui se résolvent presque par eux-mêmes, ce qui évite l’intervention d’un quelconque héros et qui exclut toute morale à tirer de l’histoire. À la fin, les choses reviennent à la normale, sans intervention morale ni héroïque, comme il se doit dans le Vaideville.
C’est donc sur ces critères que doit être jugée cette pièce. Est-elle un bon vaudeville ? Si le genre est souvent considéré comme un art mineur, facile, léger, aux situations improbables et aux blagues potaches et répétitives, peut-il y avoir de bons, et même d’excellents Vaudeville ?
C’est drôle. Vraiment drôle. D’une ironie très fine pour un Vaudeville. De bons mots d’esprit et d’excellents jeux de mots, vraiment. Qui m’ont fait souvent sourire. Tout comme les allusions grivoises, qui sont placées là avec une habileté fine.
C’est très rythmé, vivant, dynamique. Écrit dans une sorte d’énergie vive. Les quiproquos s’enchaînent à bon rythme, ce qui est plaisant et ne laisse place à aucune impatience ou impression de longueur inutile.
Il semble d’ailleurs qu’aucune réplique ne soit écrite pour rien. Chaque intervention à but, de transition ou d’enchaînement, mais absolument rien paraît ne pas servir le déroulement logique de l’intrigue.
Alors, évidemment, on ne trouve aucune philosophie là-dedans, ni rien de sérieux. Tout n’est que légèreté et divertissement. Les situations sont absurdes, bien sûr.
Cependant, savoir faire rire avec talent est un art. Et dans cette pièce, c’est plutôt réussi.